Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/229

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lieu le lendemain. Le roi était assis ; il écoutait le bourdonnement des soldats affairés ; les coups de marteau sortaient des forges où l’on préparait des fers de cheval, et des tentes des armuriers. Les soldats, en passant et repassant, parlaient d’un ton bruyant et joyeux, qui indiquait une pleine confiance en leur courage et semblait être un augure de victoire. Pendant que l’oreille de Richard recueillait tous ces différents bruits avec ivresse, et qu’il se livrait aux rêves de conquêtes et de gloire qu’ils faisaient naître en lui, un écuyer vint lui dire qu’un messager de Saladin demandait à être introduit.

« Faites-le entrer sur-le-champ, Jocelin, répondit le roi, et qu’il soit reçu avec les égards convenables. »

Le chevalier anglais introduisit, en conséquence, un individu qui ne semblait pas être au dessus du rang d’un esclave nubien, mais son aspect inspirait néanmoins un puissant intérêt. Il était d’une taille remarquable, et se distinguait par la beauté de ses formes et la noblesse de ses traits, qui, bien que d’un noir de jais, n’avaient rien qui rappelât la race nègre. Il portait sur ses cheveux, noirs et brillants, un turban aussi blanc que la neige, et sur ses épaules un petit manteau également blanc, ouvert sur le devant et aux manches ; ce manteau par dessous laissait apercevoir un vêtement de peau de léopard qui descendait un peu au dessus du genou. Le reste des membres vigoureux de l’esclave était entièrement nu ; il avait des sandales aux pieds, et il portait un collier et des bracelets d’argent. Un sabre droit, avec une poignée de buis et une gaine de peau de serpent, était suspendu à sa ceinture. Il tenait de sa main droite une courte javeline avec une large et brillante pointe d’acier poli d’une palme de longueur, et de la gauche il conduisait par une laisse d’or et de soie un grand et beau lévrier.

Le Nubien se prosterna en se découvrant en partie les épaules en signe d’humilité, et ayant touché la terre de son front, il se releva sur un genou et resta dans cette attitude en présentant au roi un morceau de soie qui en renfermait un autre de drap d’or, dans lequel était enveloppée une lettre de Saladin, écrite en langue arabe, avec une traduction en anglo-normand, qui peut être rendue ainsi :

« Saladin, roi des rois, à Melec-Ric, le lion d’Angleterre. Attendu que nous avons été informé par ton dernier message que tu préfères la guerre à la paix, et notre inimitié à notre alliance, nous te regardons comme aveuglé dans cette affaire, et nous espérons te