Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/228

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— Ma belle cousine, ne me prêtez pas des discours que je n’ai pas tenus. Je n’ai jamais dit que vous eussiez accordé à cet homme d’autre faveur que celle qu’un brave chevalier, quelle que soit sa naissance, peut obtenir, même d’une princesse. Mais, par Notre-Dame ! je connais moi-même quelque chose de ces manœuvres d’amour ! On commence par de muets respects, par la plus humble vénération. Mais quand l’occasion s’en présente, la familiarité augmente, et bientôt… Mais à quoi bon parler ainsi à celle qui se croit plus sage que toutes les autres ?

— J’écouterai volontiers les conseils d’un parent, quand ils ne renfermeront rien d’injurieux pour mon rang et mon caractère.

— Les rois, ma belle cousine, ne conseillent pas, ils commandent.

— Les soudans commandent, en effet, répartit Édith, mais c’est parce qu’ils ont pour sujets des esclaves.

— Allons, allons, vous pourriez apprendre à mettre de côté tout ce mépris pour les soudans, puisque vous faites tant de cas d’un Écossais. Je crois Saladin plus fidèle à sa parole que ce William d’Écosse, auquel il faut aussi le titre de Lion… Il m’a bassement manqué de foi, en ne m’envoyant pas les secours auxiliaires qu’il m’avait promis. Le moment peut venir, Édith, où tu préféreras un loyal Turc à un traître Écossais.

— Jamais ! quand Richard lui-même embrasserait la fausse religion qu’il a entrepris de détruire en Palestine.

— Tu veux avoir le dernier mot, et tu l’auras, ma belle cousine. Mais pense ce que tu voudras de moi, gentille Édith, je n’oublierai jamais que nous sommes proches parents et amis. »

En parlant ainsi il prit congé d’elle avec courtoisie, mais au fond, très peu satisfait du résultat de sa visite.

Le quatrième jour après le départ de sir Kenneth, le roi Richard, assis dans sa tente, jouissait de la brise du soir qui, soufflant de l’ouest, avec une fraîcheur peu commune, semblait venir de la joyeuse Angleterre pour ranimer son monarque aventureux, et aider au rétablissement des forces qu’il recouvrait graduellement, forces si nécessaires à l’exécution de ses projets gigantesques. Il n’y avait personne auprès de lui. De Vaux avait été envoyé à Ascalon pour amener des renforts et des munitions de guerre, et la plupart des autres officiers attachés à la personne du roi étaient occupés de différentes manières pour la reprise des hostilités, et pour une grande revue préparatoire de l’armée des croisés, qui devait avoir