Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/226

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créatures qui, en raison de leur figure grotesque et de l’affaiblissement de leur raison, étaient en effet des curiosités que pouvaient s’offrir des souverains.

Richard eut encore à soutenir une lutte avec une autre femme, mais il s’y prépara comparativement avec indifférence ; car quoique Édith fût belle et très estimée de son royal parent, quoique, par ses injustes soupçons, elle eût réellement souffert le tort dont Bérengère affectait de se plaindre, après tout elle n’était ni la femme ni la maîtresse de Richard, et il craignait moins ses reproches, basés sur la raison, que les plaintes injustes de la reine. Ayant demandé à lui parler sans témoins, il fut conduit dans son appartement qui était attenant à celui de la reine, et deux femmes esclaves, Cophtes de nation, restèrent à genoux pendant leur entrevue dans le coin le plus éloigné de l’appartement. Un long voile noir couvrait de ses larges plis la haute et gracieuse taille de l’illustre damoiselle ; elle ne portait sur sa personne aucune espèce d’ornements. Elle se leva, et après avoir fait une profonde révérence lorsque Richard entra, elle se rassit à sa prière. Lorsqu’il eut pris place à côté d’elle, elle attendit, sans proférer une parole, qu’il lui exprimât sa volonté.

Richard, qui avait l’habitude d’être avec Édith sur le pied de familiarité que leur parenté permettait, se sentit glacé par cet accueil, et commença la conversation avec un peu d’embarras.

« Notre belle cousine nous en veut, dit-il enfin ; et nous avouons que de graves circonstances nous ont induit sans cause à concevoir sur sa conduite des soupçons tout opposés à l’opinion qu’elle nous avait toujours donnée d’elle. Mais pendant leur passage dans la vallée ténébreuse de la vie, les hommes prendront toujours l’ombre pour la réalité. Ma belle cousine ne pardonnera-t-elle pas à son impétueux cousin ?…

— Qui peut refuser de pardonner à Richard, répondit Édith, si Richard peut obtenir son pardon du roi ?

— Allons, cousine, tout ceci est par trop solennel… Par Notre-Dame ! je ne t’ai jamais vu une physionomie plus triste, et ce grand voile de deuil pourrait donner à penser que tu viens de perdre un époux, ou du moins un fiancé chéri… Pourquoi cette tristesse ? tu as sans doute appris qu’il n’y a aucune cause réelle de douleur ! Pourquoi donc conserver ce deuil ?

— Pour l’honneur éteint des Plantagenet, pour la gloire éclipsée de la maison de mes pères. »

Richard fronça le sourcil. « Honneur éteint ! gloire éclipsée ! » ré-