Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/223

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— Dites les choses comme elles se sont passées réellement, dit Édith, si vous ne voulez que je les dise pour vous.

— J’en demande humblement pardon à Sa Majesté, ajouta de Vaux ; mais je prendrai la liberté de dire que le conseil de lady Édith est bon ; car, bien qu’il puisse plaire au roi Richard de croire ce qu’il conviendrait à Votre Grâce de lui dire, je doute fort qu’il ait la même condescendance pour lady Caliste, et par conséquent dans cette affaire…

— Le lord Gilsland a raison, » interrompit lady Caliste, fort agitée en songeant à l’interrogatoire qu’elle allait subir ; « et d’ailleurs, quand même j’aurais assez de présence d’esprit pour inventer une histoire plausible, il me semble que je n’aurais jamais assez de courage pour la débiter. »

Dans cette disposition à la franchise, lady Caliste fut conduite au roi par de Vaux, et, comme elle se l’était proposé, elle lui fit l’aveu complet de la ruse qui avait été employée pour engager le malheureux chevalier du Léopard à quitter son poste. Elle disculpa tout-à-fait lady Édith qui, elle le sentait bien, n’eût pas manqué de se disculper elle-même, et rejeta toute la charge sur la reine, sa maîtresse, à qui elle devinait facilement que Richard ne ferait pas un grand crime de la part qu’elle avait prise à cette espièglerie. Dans le fait, Richard était non seulement un époux passionné, mais encore, pour ainsi dire, l’esclave de sa femme. Le premier emportement de la colère était depuis long-temps passé, et il n’était pas disposé à se montrer trop rigoureux pour une chose à laquelle il n’y avait plus de remède. La rusée lady Caliste, versée dès l’enfance dans les intrigues de cour, et habituée à deviner au moindre signe la volonté du souverain, vola vers la reine avec la rapidité d’un vanneau pour lui annoncer une prochaine visite du roi ; la dame d’atours ajouta à cette nouvelle un commentaire fondé sur ses propres observations, et dont le but était de l’assurer que Richard se proposait de montrer à sa royale épouse toute la juste sévérité qu’il fallait pour lui inspirer le regret de cette folie, et lui accorder ensuite à elle et à tout ce qui l’entourait son gracieux pardon.

« Le vent souffle-t-il de ce côté ? ma bonne, » dit la reine très soulagée par cette nouvelle. « Eh bien, crois-moi, tout grand général qu’il est, Richard aura de la peine à nous circonvenir de cette manière ; et, comme le disent nos bergers des Pyrénées dans mon royaume natal de Navarre : « Tel qui vient chercher de la laine, souvent s’en retourne tondu. »