Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/221

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un interrogatoire secret il m’a avoué que telle était sa résolution ferme et inébranlable.

— Que le ciel pardonne à ceux qui se sont opposés aux desseins de ce sage Charégite !

— Il est mon prisonnier et gardé de manière à ne pouvoir communiquer avec personne, comme tu le supposes bien. Mais les prisons sont parfois mal fermées…

— On peut oublier de river des fers, et rien n’empêche un captif de s’évader. On a raison de dire qu’il n’y a de prison sûre que le tombeau.

— Une fois libre, il continuera sa poursuite, car la nature de cette espèce de limier est de ne jamais abandonner la piste de la proie qu’il a une fois sentie.

— N’en dis pas davantage, interrompit le marquis. Je comprends ta politique ; elle est affreuse, mais la circonstance est pressante.

— Je ne t’en ai parlé qu’afin que tu te tinsses sur tes gardes, car la rumeur sera terrible, et l’on ne sait sur qui les Anglais pourront tourner leur rage. Il y a encore un autre risque, mon page connaît les projets de ce Charégite, et d’ailleurs c’est un drôle obstiné, volontaire et mutin, dont je voudrais être débarrassé, parce qu’il me contrarie souvent en prétendant voir par ses propres yeux et non par les miens. Mais notre saint ordre me donne le pouvoir d’appliquer un remède à ces sortes d’inconvénients. Ou bien, attendez, le Sarrasin peut trouver dans sa cellule un bon poignard dont je réponds qu’il se servira pour sortir, et ce moment sera certainement celui où le page lui apportera sa nourriture.

— Cela pourrait donner une certaine couleur à cette affaire, dit Conrad ; mais cependant…

Mais et cependant, dit le Templier, sont deux mots qui ne conviennent qu’à des fous. L’homme sage ne sait ni hésiter ni se rétracter : il décide et il exécute.