Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/220

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sardonique qui lui était particulière, « que Richard percerait les légers filets que tu lui avais tendus aussi facilement qu’un lion détruirait une toile d’araignée. Tu vois qu’il n’a qu’à parler, et que son souffle agite la foule imbécile aussi aisément que le tourbillon fait mouvoir des brins de paille épars et les rassemble ou les disperse à son gré.

— Mais lorsque le tourbillon sera passé, reprit Conrad, les pailles qu’il faisait voltiger à son gré retomberont sur la terre, et y resteront fixes de nouveau.

— Mais, en outre, ne sais-tu pas, dit le templier, que, dans le cas où cette nouvelle résolution serait encore abandonnée, et chacun de ces princes livré de nouveau aux conseils de sa propre cervelle, Richard doit encore devenir roi de Jérusalem par un arrangement, et qu’il fera un traité avec le soudan à ces mêmes conditions que tu avais imaginé toi-même être repoussées avec mépris ?

— Par Mahomet et Termagant ! car les serments chrétiens ne sont plus de mode, veux-tu dire que l’orgueilleux roi d’Angleterre unira son sang à celui du soudan païen ? Ma politique avait imaginé cet article pour lui faire prendre en horreur tout le traité. Il serait aussi mauvais pour nous qu’il devînt notre maître par un arrangement que par une victoire.

— Ta politique avait mal calculé sur les sentiments de Richard. Je connais son opinion là-dessus par un mot que m’en a dit l’archevêque. Et puis, qu’a produit ton coup de maître, au sujet de la bannière ? La chose a passé sans plus de bruit que n’en méritaient deux aunes de taffetas brodé. Marquis de Montferrat, ton esprit commence à se fatiguer. Je ne me fierai plus à tes ingénieuses mesures, mais j’aurai recours aux miennes. Connais-tu le peuple que les Sarrasins appellent Charégite ?

— Assurément, dit le marquis, ce sont des enthousiastes fanatiques qui consacrent leur vie à l’agrandissement de leur religion, à peu près comme les templiers ; seulement ils ne savent pas s’arrêter dans la route où les entraîne leur vocation.

— Ne plaisante pas, répondit le sombre moine. Apprends qu’un de ces hommes a fait vœu d’immoler ce roi insulaire, comme le plus grand ennemi de la foi musulmane.

— Voilà un judicieux païen ; il mérite que Mahomet lui accorde son paradis en récompense !

— Il a été arrêté dans le camp par un de nos écuyers, et dans