Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/212

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les chrétiens qu’avec les infidèles, pour conclure une paix qui pût faire atteindre à la chrétienté, du moins en partie, le but de cette sainte entreprise.

— Ma parente épouser un infidèle, ah ! » fit Richard, et ses yeux recommencèrent à étinceler.

Le prélat se hâta de prévenir sa colère.

« Le consentement du pape doit, sans aucun doute, s’obtenir auparavant, et le saint ermite, qui est bien connu à Rome, peut en traiter avec le saint-père.

— Quoi ! sans attendre d’abord notre consentement ? dit le roi.

— Non assurément, » reprit l’archevêque d’un ton de voix conciliant et mielleux ; « avec votre consentement spécial et non autrement.

— Mon consentement au mariage de ma parente avec un infidèle, » dit Richard ; et il prononça ces paroles plutôt d’un air de doute que s’il eût repoussé absolument la mesure. « Combien j’étais loin de songer qu’on pût me proposer jamais un tel arrangement lorsque je m’élançai de la proue de ma galère sur le rivage syrien avec l’ardeur d’un lion qui tombe sur sa proie ! Et maintenant !… Mais continuez, et je vous écouterai avec patience. »

Aussi charmé que surpris de trouver sa tâche beaucoup moins difficile qu’il ne l’avait craint, l’archevêque se hâta de citer à Richard les exemples d’alliances semblables qui avaient eu lieu en Espagne avec l’approbation du saint-siège ; les avantages incalculables que toute la chrétienté retirerait de l’union de Richard et de Saladin, cimentée par un lien aussi sacré ; et il parla surtout avec beaucoup de chaleur et d’onction de la probabilité qu’il y avait que Saladin, dans le cas où l’alliance projetée s’accomplirait, embrassât la véritable religion.

« Le soudan a-t-il montré quelques dispositions à se faire chrétien ? demanda Richard. S’il en était ainsi, il n’existe pas un chevalier sur la terre auquel j’accorderais plus volontiers la main d’une parente, d’une sœur même, qu’au noble Saladin. Oui, quand même l’on mettrait à ses pieds un sceptre et une couronne, tandis que lui n’aurait à offrir que sa vaillante épée et son cœur plus vaillant encore.

— Saladin a entendu nos docteurs chrétiens, » dit l’archevêque en cherchant en quelque sorte à éluder la question, « et comme il écoute avec patience et répond avec calme, on ne peut qu’espérer de l’arracher à la fin comme un tison au feu de l’enfer. Magna est