Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

belliqueux, n’avaient eu que cette alternative. Mais en combattant contre les chrétiens de l’Occident, animés d’un zèle aussi ardent que le leur, d’un courage aussi indomptable, et non moins habiles dans la guerre, non moins favorisés par le sort des armes, les Sarrasins prirent par degrés une partie de leurs mœurs, et adoptèrent surtout ces coutumes chevaleresques qui entraient si bien dans le génie d’un peuple orgueilleux et conquérant. Ils eurent leurs tournois et leurs jeux guerriers. Ils eurent même leurs ordres de chevalerie ou quelque institution analogue. Ils se piquaient surtout de garder la foi donnée avec une fidélité qui aurait pu faire rougir bien souvent ceux qui se vantaient d’une meilleure religion. Leurs trêves nationales ou particulières étaient exactement observées, et il arrivait de là que la guerre, quoique en elle-même le plus grand des maux, donnait lieu au développement d’une foule de sentiments généreux, tels que la bonne foi, le courage, la clémence et même l’humanité, qui se seraient moins fréquemment déployés dans des temps plus paisibles : car alors les passions des hommes fomentent des querelles dont l’issue ne peut être aussi immédiate, et restent plus long-temps renfermées dans le sein de ceux qui ont le malheur de s’y livrer.

Sous l’influence de ces sentiments qui adoucissent l’horreur des guerres, le chrétien et le Sarrasin qui, peu de moments auparavant, venaient de tout tenter pour s’entre-détruire, chevauchaient alors lentement vers la fontaine des Palmiers. Tous deux parurent quelques instants absorbés dans leurs réflexions, et reprirent haleine après un combat qui avait menacé d’être fatal à l’un ou à l’autre, et peut-être à tous les deux. Leurs bons chevaux ne paraissaient pas jouir moins que leurs maîtres de cet intervalle de repos. Celui du Sarrasin, cependant, quoiqu’il eût été contraint à un exercice bien plus violent, semblait souffrir beaucoup moins de la fatigue que le coursier du chevalier européen. Les membres de ce dernier étaient encore couverts de gouttes de sueur, tandis que ceux du noble cheval arabe s’étaient complètement séchés pendant un court intervalle d’exercice modéré, et l’on ne voyait plus sur lui que quelques flocons d’écume épars çà et là sur sa bride et sur la housse qui le couvrait. Le sol mouvant dans lequel s’enfonçait le cheval du guerrier chrétien, accablé du poids de sa propre armure, et de celui de son cavalier, augmentait tellement sa fatigue, que le chevalier du Léopard qui s’en aperçut sauta aussitôt à terre, et conduisit lui-même son coursier à travers les poudreuses fondrières de cette terre argileuse qui, brûlée