Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/203

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vil insecte qui rampe sur les rivages de la mer Morte et se nourrit de son limon impur ; mais révère celui dont je transmets les ordres ; révère celui dont tu as juré de délivrer le sépulcre ; respecte le serment de concorde que tu as fait, et ne romps pas les nœuds d’union et de fidélité par lesquels tu t’es lié aux princes tes confédérés.

— Bon père, répliqua le roi, vous autres membres de l’Église, vous me semblez vous prévaloir un peu de la dignité de votre saint caractère, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi. Sans vous contester le droit que vous avez de prendre soin de notre conscience, il me semble du moins que vous devriez nous laisser celui de notre honneur.

— Moi, me prévaloir ! répéta l’ermite : est-ce à moi que conviendrait la présomption, royal Richard, à moi qui ne suis que la cloche obéissant à la main de celui qui l’agite, ou la trompette indigne annonçant l’ordre de celui qui la fait résonner !… Vois-moi à tes genoux te supplier d’avoir pitié de la chrétienté et de toi-même.

— Lève-toi, lève-toi, « dit le roi en le forçant de se relever ; « il ne faut pas que des genoux qui fléchissent si souvent en l’honneur de la Divinité pressent la terre devant un homme… Quel danger nous menace ? révérend père. Et depuis quand le pouvoir de l’Angleterre est-il si faible, qu’elle ou son monarque doive s’alarmer de la vaine et bruyante colère de cet archiduc de nouvelle création ?

— Du haut de la tour située au faite de mes montagnes, j’ai observé les astres dans la voûte étoilée, chacun, pendant sa marche nocturne, communiquant à l’autre son influence, et étant une source de connaissances et de lumières pour le petit nombre d’êtres qui comprennent leurs mouvements… Il existe un ennemi dans ta constellation, ô roi, un ennemi qui en veut à la fois à ta gloire et à ta prospérité… Une émanation de Saturne te menace d’un péril immédiat et sanglant, et t’anéantira dans tout l’orgueil de ta puissance, si tu ne fais pas céder ta volonté hautaine devant la règle de ton devoir.

— Assez, assez ; ce sont là des notions toutes païennes, interrompit le roi ; les chrétiens les rejettent, et les sages n’y croient pas… Vieillard, tu délires.

— Je ne délire pas, Richard… je ne suis pas si heureux ; je connais mon état, et je sais qu’un peu de raison m’est encore accordé,