Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/201

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cher au moment où il sera entouré de tous ses chevaliers et de ses vassaux, comme il est probable qu’il doit être à cette heure, car le sanglier allemand déjeune avant d’entendre la messe. Présentez-vous devant lui aussi cavalièrement que possible, et accusez-le au nom de Richard d’Angleterre, d’avoir, cette nuit, de sa propre main ou par celle des autres, enlevé de sa hampe la bannière d’Angleterre. C’est pourquoi vous lui direz que notre volonté est que dans une heure, à compter du moment où je parle, il restaure la bannière d’Angleterre avec tout respect, lui et ses barons se tenant debout pendant la cérémonie, la tête découverte et vêtus de leurs robes d’honneur. De plus il plantera d’un côté sa propre bannière d’Autriche renversée, comme ayant été déshonorée par le vol et la félonie, et de l’autre une lance portant la tête sanglante de celui qui lui a donné le premier conseil de ce lâche outrage et l’a aidé ensuite dans l’exécution. Et dites-lui que notre volonté étant fidèlement accomplie, nous consentirons, par égard pour notre vœu et pour le bien de la Terre-Sainte, à lui pardonner ses autres méfaits.

— Et que ferai-je si le duc d’Autriche nie avoir participé à cette injure ? demanda Thomas de Vaux.

— Vous lui direz, répondit le roi, que nous le prouverons sur son corps oui, fût-il encore soutenu de ses deux plus braves champions, nous le prouverons en chevalier, à pied ou à cheval au désert ou en champ clos, lui laissant le choix du temps, du lieu et des armes.

— Songez, mon gracieux seigneur, objecta le baron de Gilsland, que les princes engagés dans cette croisade sont tenus à maintenir la paix de Dieu et de l’Église.

— Songez à exécuter mes ordres, mon fidèle vassal, » reprit Richard avec impatience ; « on dirait que tout le monde s’imagine me faire changer d’avis par un mot, aussi facilement que le souffle d’un enfant agite une plume. La paix de l’Église parmi les croisés signifie la guerre avec les Sarrasins, et les princes ayant jugé à propos de faire une trêve avec eux, l’une commence quand l’autre finit. D’ailleurs, ne voyez-vous pas que tous ces princes-là visent chacun à leur but particulier ? Je veux aussi chercher le mien, et c’est l’honneur. C’est pour l’honneur que je suis venu ici ; et si je n’en dois pas acquérir avec les Sarrasins, du moins ne souffrirai-je pas que le mien souffre la moindre tache par égard pour ce misérable duc, quand il serait appuyé et soutenu de tous les princes de la croisade. »