CHAPITRE XVIII.
LA GRÂCE.
L’ermite suivit les dames hors du pavillon, comme l’ombre suit un rayon de lumière quand les nuages se succèdent rapidement sur la face du soleil ; mais il se retourna sur le seuil, et étendant sa main vers le roi avec un geste qui semblait l’avertir et presque le menacer : « Malheur, dit-il, à qui rejette les conseils de l’Église pour s’abandonner à ceux de l’infidèle !… Roi Richard… je ne secoue pas encore la poussière de mes pieds hors de ton camp… Le glaive ne tombe pas encore sur ta tête, mais il reste suspendu par un cheveu. Orgueilleux monarque, nous nous reverrons.
— Ainsi soit-il, orgueilleux prêtre, dit Richard… plus orgueilleux sous ta peau de bouc, que ne le sont les princes sous le lin et la pourpre. »
L’ermite disparut de la tente, et le roi continua en s’adressant à l’Arabe.
« Les derviches d’Orient, sage Hakim, se permettent-ils de telles familiarités avec les princes ?
— Un derviche, répondit Adonebec, doit être un sage ou un fou. Il n’y a pas de milieu pour celui qui porte le khir khah[1] et qui veille la nuit et jeûne le jour : de deux choses l’une, où il doit avoir assez de sagesse pour savoir se comporter avec discrétion devant les princes ; ou, la raison ne lui ayant pas été accordée, il ne peut être responsable de ses actions.
— Il me semble que nos moines ont surtout adopté ce dernier caractère… Mais venons-en à nos affaires… En quoi puis-je vous obliger, mon savant médecin ?…
— Grand roi, » dit El Hakim en faisant un profond salut à la
- ↑ Mot arabe, littéralement, la robe déchirée. a. m.