Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/194

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avec un air de modestie et de respect tout oriental ; « il ne m’appartient pas de regarder la beauté sans voile et armée de tout son éclat.

— Retire-toi donc, Bérengère, dit le monarque ; et vous, Édith, retirez-vous aussi. Surtout ne renouvelez plus vos importunités ! J’accorde que l’exécution soit différée jusqu’à midi. Allez et tranquillisez-vous, chère Bérengère. Édith, » ajouta-t-il avec un regard qui frappa d’effroi l’âme de sa courageuse parente elle-même, « allez, si vous êtes prudente. »

Les femmes se retirèrent, ou plutôt sortirent avec précipitation de la tente, oubliant le rang et l’étiquette, et semblables à une troupe d’oiseaux sauvages qui se rassemble après que la poursuite du faucon a cessé. Elles rentrèrent dans le pavillon de la reine pour se livrer à des regrets et à des récriminations également inutiles. Édith était la seule qui dédaignât d’épancher sa douleur par ces moyens ordinaires. Sans pousser un soupir, sans proférer un mot de reproche, elle resta près de la reine, dont le chagrin et la faiblesse de caractère s’étaient manifestés par de violentes attaques de nerfs, et la soigna non seulement avec assiduité mais même avec affection.

« Il est impossible qu’elle ait pu aimer ce chevalier, » dit Florise à Caliste, qui était depuis plus long-temps qu’elle auprès de la reine. « Nous nous sommes trompées. Elle s’afflige seulement de son sort, mais comme de celui d’un étranger qui va mourir à cause d’elle.

— Chut, chut ! » répondit sa compagne plus expérimentée et plus pénétrante, « elle est de cette orgueilleuse maison des Plantagenet, qui n’avouent jamais leurs souffrances. On les a vus quelquefois pendant qu’ils saignaient eux-mêmes d’une blessure mortelle, bander les égratignures qu’avaient reçues leurs camarades moins courageux. Florise, nous avons fait une chose effroyable, et quant à moi, je donnerais tous les bijoux que je possède pour que cette fatale plaisanterie n’eût pas eu lieu. »