Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/191

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« Je l’ai vu, mon roi, répondit Édith. Il est inutile d’expliquer pourquoi : je ne suis venue ni pour me justifier, ni pour accuser les autres.

— Et où lui avez-vous fait une telle grâce ?

— Dans la tente de Sa Majesté la reine.

— De notre royale épouse ! s’écria Richard. De par le ciel, saint George d’Angleterre et tous les autres saints qui foulent son plancher de cristal, ceci est par trop audacieux ! J’ai remarqué et méprisé l’insolente admiration de ce guerrier pour une dame qui lui était si supérieure, et je ne pouvais empêcher qu’une femme de mon sang, du haut de la sphère élevée où l’a placée son rang, étendît sur lui cette influence que le soleil répand sur ce monde qui est au dessous de lui. Mais, ciel et terre ! que vous l’ayez admis à une audience de nuit, dans la tente même de notre royale épouse, et que vous osiez m’offrir une semblable excuse pour sa désobéissance et sa désertion ! Par l’âme de mon père ! Édith, tu t’en repentiras toute ta vie dans un monastère !

— Mon roi, reprit Édith, votre grandeur devient de la tyrannie. Mon honneur, sire, est aussi intact que le vôtre, et madame peut le prouver si elle le trouve bon. Mais je l’ai déjà dit, je ne suis ici ni pour me justifier, ni pour inculper les autres. Je vous demande seulement d’étendre sur celui dont la faute fut le résultat d’une forte tentation cette miséricorde que vous-même, seigneur, vous pourrez implorer un jour d’un tribunal supérieur, et pour des fautes plus sérieuses peut-être.

— Est-ce bien Édith Plantagenet ! » dit le roi avec amertume, « Édith Plantagenet, la sage, la noble Édith… et n’est-ce point quelque femme que l’amour égare et qui compte pour rien sa gloire en comparaison de la vie de son amant ?… Par l’âme du roi Henri ! je ne sais ce qui me tient que je n’ordonne qu’on apporte de la potence le crâne de ton amant pour le mettre au bas du crucifix de ta cellule et en faire le perpétuel ornement.

— Et quand vous le feriez descendre du gibet pour le rendre perpétuellement présent à ma vue, dit Édith, je n’en dirais pas moins que c’est la dépouille d’un brave chevalier injustement et cruellement mis à mort par… (elle se contint) par celui qui aurait dû mieux savoir récompenser le mérite chevaleresque… Vous l’avez appelé mon amant, » continua-t-elle avec une véhémence croissante ; « il l’était en effet ! l’amant le plus loyal et le plus fidèle… Mais content de cette humble dévotion que les hommes vouent aux saints, jamais