Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/185

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— Oh ! non, non, s’écria Édith ; allez-y vous-même, madame : vous avez fait le mal… apportez-y le remède.

— J’irai… je vais y aller, reprit la reine ; mais si Richard est dans ses emportements, je n’oserai lui parler, il me tuerait.

— Allez-y, gracieuse souveraine, » dit lady Caliste qui connaissait mieux le caractère de sa maîtresse… « Il n’y a pas de lion en fureur qui pût jeter les yeux sur tant de charmes, et conserver un sentiment de courroux… moins encore un chevalier aussi loyal, aussi dévoué que le roi Richard, pour lequel vos moindres désirs sont des ordres.

— Tu crois, Caliste ? demanda la reine ; ah ! tu ne sais guère… Cependant, j’irai ; mais regardez ce que vous avez fait ; vous m’avez habillée de vert, et c’est la couleur qu’il déteste. C’est bien imaginé ; allons, vite, qu’on me donne une robe bleue, et qu’on cherche la chaîne de rubis qui fit partie de la rançon du roi de Chypre… Elle est, je crois, dans la cassette de fer ou quelque autre part.

— Vous pouvez vous arrêter à de tels soins quand un moment peut coûter la vie d’un homme ! » s’écria Édith avec indignation… « C’est plus que la patience humaine n’en peut supporter. Restez, madame, j’irai moi-même trouver le roi Richard.. Je suis partie intéressée dans cette affaire… Je lui demanderai s’il est permis de se jouer de l’honneur d’une pauvre fille de son sang, au point d’abuser de son nom pour détourner un brave gentilhomme de son devoir, l’exposer à la mort et à l’infamie, et livrer la réputation de l’Angleterre à la risée et au mépris de l’armée chrétienne. »

Bérengère écouta cette explosion soudaine de colère, immobile d’étonnement et d’effroi. Mais comme Édith se préparait à quitter la tente, elle s’écria d’une voix faible : « Arrêtez-la… arrêtez-la…

— Il faut en effet vous arrêter, noble lady Édith, » dit Caliste en la prenant doucement par le bras ; « et vous, madame, vous irez, j’en suis sûre, et sans tarder davantage… Si lady Édith allait seule chez le roi, sa colère ne connaîtrait plus de bornes, et une seule vie ne suffirait pas pour assouvir sa fureur.

— J’y vais, j’y vais, » dit la reine cédant à la nécessité ; et Édith, bien qu’avec impatience, attendit qu’elle achevât de s’apprêter.

Elles furent prêtes à partir en aussi peu de temps qu’il était permis de l’espérer. La reine s’enveloppa à la hâte d’un vaste manteau, qui couvrit toutes les négligences de sa toilette ; puis, accompagnée d’Édith et de ses femmes, et avec une suite composée de quelques