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part de sa découverte à Sa Majesté. La reine rapporta donc de son pèlerinage cette recette admirable contre la langueur et l’ennui, et sa suite s’augmenta en même temps de ces deux abominables nains dont nous avons parlé, et qui lui furent envoyés par la ci-devant reine de Jérusalem. Ce couple ignoble possédait les qualités qu’on recherche par excellence dans sa misérable espèce, c’est-à-dire qu’il était aussi difforme de corps et d’esprit qu’une reine pouvait le désirer. Un des passe-temps de Bérengère avait été d’essayer l’effet que l’aspect soudain de ces figures effrayantes et fantastiques produirait sur les nerfs du chevalier resté seul dans la chapelle ; mais le sang-froid de l’Écossais et l’intervention de l’ermite avaient dérangé sa plaisanterie ; ce fut alors qu’elle en essaya une autre dont les résultats menaçaient de devenir plus sérieux.

Les dames se rassemblèrent de nouveau après que sir Kenneth eut quitté la tente, et la reine, peu émue dans le premier moment par les vives représentations d’Édith, ne lui répondit qu’en l’accusant de pruderie, et en se livrant à son goût pour la raillerie aux dépens du chevalier du Léopard. Elle se moqua tour à tour, avec malice et gaîté, de son équipement, de son pays, et surtout de sa pauvreté, jusqu’à ce qu’enfin Édith fût forcée d’aller cacher son inquiétude dans son appartement. Mais lorsque, le lendemain matin, une femme qu’elle avait chargée de s’en informer vint lui apporter la nouvelle que l’étendard était enlevé et que son champion ne paraissait pas, Édith, s’élançant dans l’appartement de la reine, la supplia de se lever immédiatement et de se rendre sans délai dans la tente du roi, pour employer près de lui sa puissante médiation et prévenir les fatales conséquences de cette plaisanterie.

La reine effrayée à son tour, rejeta selon l’usage le blâme de sa propre folie sur celles qui l’entouraient, et elle chercha à calmer la douleur d’Édith et à apaiser son mécontentement par mille arguments déraisonnables… Elle était sûre qu’il n’était arrivé aucun mal… Le chevalier dormait probablement après sa veille de la nuit… Et quand même la crainte du mécontentement du roi l’aurait fait déserter en emportant l’étendard… ce n’était après tout qu’un morceau de soie perdu et un pauvre aventurier en fuite ; enfin s’il était tenu prisonnier pendant quelque temps, elle obtiendrait bientôt du roi de lui pardonner… Il fallait seulement laisser passer le premier emportement de Richard.

Elle continuait à parler sans s’interrompre, et à entasser une foule de raisonnements absurdes dans le vain espoir de persuader à