Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/179

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veur inattendue. « Ma famille n’apprendra donc pas la plus honteuse partie de mon histoire… Oh ! mon père ! mon père ! »

Cette invocation, que sa bouche murmura presque involontairement, n’échappa point à l’Anglais, dont la brusquerie cachait un naturel affectueux… Force lui fut de passer le revers de sa large main sur son austère visage avant de pouvoir continuer…

« C’est encore le bon plaisir de Richard d’Angleterre, ajouta-t-il enfin, que vous puissiez communiquer avec un saint homme, et j’ai rencontré en venant ici un moine carmélite qui peut vous préparer à ce passage. Il attend en dehors que vous soyez dans une disposition d’esprit convenable pour le recevoir.

— Que ce soit à l’instant, répondit le chevalier. En ceci encore, Richard s’est montré généreux… je ne puis être dans une meilleure disposition que celle où je me trouve maintenant, pour recevoir le bon père, car la vie et moi nous avons pris congé, comme le font deux voyageurs arrivés à un point où leurs routes se séparent.

— C’est bien, » reprit de Vaux d’un ton lent et solennel, « car c’est avec douleur que je dois ajouter ce qui va terminer mon message. La volonté du roi Richard est que vous vous prépariez immédiatement à la mort.

— Que la volonté de Dieu et celle du roi soient faites ! » répondit le chevalier avec résignation…. « Je suis loin de contester la justice de cet arrêt, et de désirer le moindre délai dans son exécution. »

De Vaux se prépara à quitter la tente, mais d’un pas très lent. Arrivé à la porte, il s’y arrêta, et retourna la tête pour regarder l’Écossais. Celui-ci se livrait à des actes intérieurs de dévotion, et semblait n’être plus occupé d’aucune pensée de ce monde. La sensibilité du vaillant baron anglais n’était pas en général des plus vives ; néanmoins, dans cette occasion, il ne put maîtriser une émotion extraordinaire. Il se rapprocha précipitamment de la botte de joncs sur laquelle le prisonnier était couché, prit une de ses mains enchaînées, et lui dit avec autant de douceur que son organe brusque et rude était capable d’en exprimer… « Sir Kenneth, tu es encore jeune… tu as un père… Mon Ralph, que j’ai laissé dressant son petit bidet sur les bords de l’Irthing, peut un jour arriver à ton âge, et, sans la nuit dernière, j’aurais demandé au ciel que sa jeunesse donnât d’aussi belles espérances que la tienne… Ne peut-on rien dire ou rien faire pour toi ?…

— Rien, » répondit tristement le chevalier. « J’ai abandonné