Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/175

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que celui d’un pauvre lévrier : plus fidèle que son maître, il avait gardé le poste que celui-ci avait abandonné.

— De par saint George ! » s’écria encore une fois Richard en soulevant son arme ; mais de Vaux se jeta entre le roi et l’objet de sa vengeance, et lui parla avec la brusque franchise de son caractère. « Mon roi, ce n’est pas dans un tel lieu, ni de votre propre main… C’est assez de folie en un jour et une nuit que d’avoir confié votre bannière à un Écossais… Ne vous avais-je pas dit que sous de beaux semblants ils portaient des cœurs de traîtres ?

— Il n’est que trop vrai, de Vaux, tu avais raison, je dois l’avouer, dit Richard… J’aurais dû me rappeler de quelle manière William, ce rusé renard, me trompa au sujet de cette croisade.

— Sire, reprit Kenneth, William d’Écosse n’a jamais trompé, mais les circonstances l’ont empêché d’amener ses forces.

— Paix, lâche ! s’écria le roi… tu souilles le nom d’un prince rien qu’en le prononçant… Et cependant, il est étrange, ajouta-t-il, de voir conserver un tel maintien à cet homme. Il ne peut être qu’un poltron ou un traître, et néanmoins il attend le coup de Richard Plantagenet comme si notre main était prête à lui conférer l’ordre de la chevalerie. S’il eût laissé échapper le moindre signe de crainte… si un de ses nerfs eût tremblé, qu’il eût sourcillé seulement, je lui aurais brisé la tête de même qu’un gobelet de cristal. Mais je ne saurais frapper là où je ne trouve ni résistance ni crainte. »

Il se fit un silence.

« Sire, reprit le chevalier écossais.

— Ah ! » reprit Richard en l’interrompant, « as-tu retrouvé la parole ? Demande grâce au ciel, mais non à moi, car l’Angleterre est déshonorée par ta faute ; et fusses-tu mon propre frère, mon frère unique, il n’y aurait point de pardon pour ton crime.

— Le but de mes paroles n’est pas de demander grâce à un homme, continua sir Kenneth : il dépend du bon plaisir de Votre Majesté de m’accorder ou de me refuser le temps nécessaire pour me confesser. Si cette faveur ne m’est pas permise, Dieu m’accordera peut-être l’absolution que j’aurais voulu demander à son Église… Mais, soit que je meure à l’instant, soit qu’il me reste encore une demi-heure à vivre, je supplie également Votre Grâce de me permettre de lui communiquer des choses qui sont du plus grand intérêt pour sa gloire en sa qualité de roi chrétien.

— Parle, » dit le roi, ne doutant pas qu’il ne fût sur le point d’entendre quelque aveu au sujet de la bannière.