Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/174

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expression de fierté ; et ses yeux lancèrent un éclair aussi brillant, aussi fugitif que l’étincelle qui sort du caillou. « Mais cela aussi, je dois l’endurer… J’ai dit la vérité.

— De par Dieu et saint George ! » s’écria le roi, laissant éclater une fureur dont cependant il se rendit maître à l’instant… « De Vaux, rendez-vous sur les lieux… Il faut que la fièvre lui ait troublé la cervelle… Cela ne peut être : cet homme est d’un courage à toute épreuve… Cela ne peut être ! hâtez-vous de partir, ou envoyez, si vous n’y voulez point aller. »

Le roi fut interrompu par sir Henri Neville, qui arrivait hors d’haleine annoncer que la bannière était enlevée, et que le chevalier qui la gardait, sans doute accablé par le nombre, avait été probablement massacré ; car il y avait une longue trace de sang à l’endroit où gisait brisé le bâton qui soutenait la bannière.

« Mais que vois-je ici ? » dit sir Neville, dont les yeux s’arrêtèrent tout-à-coup sur sir Kenneth.

« Un traître ! » s’écria le roi, en sautant sur ses pieds, et saisissant sa hache d’armes qui était toujours auprès de son lit. « Un traître ! que tu vas voir périr de la mort des traîtres. » Et il retira sa hache en arrière comme s’apprêtant à frapper.

Pâle, mais immobile comme une statue de marbre, l’Écossais était debout, la tête nue et sans aucune protection, les yeux attachés sur la terre ; ses lèvres remuaient d’une manière imperceptible, comme s’il eût murmuré une prière. En face de lui, et à portée d’un coup de hache, était Richard, dont le corps robuste était enveloppé dans les plis d’une camiscia de lin, qui s’était écartée dans la violence de son mouvement, et laissait à découvert son bras droit, son épaule et une partie de sa poitrine, échantillon d’une structure digne du surnom de Côte-de-Fer, qu’avait porté un de ses prédécesseurs saxons. Il s’arrêta un moment prêt à frapper ; puis, laissant retomber sa hache sur la terre, il s’écria : « Mais il y avait du sang, dites-vous, Neville : sur la place… il y avait du sang… Écoute, sire Écossais… Tu étais brave autrefois, car je t’ai vu combattre… Dis-moi que tu as tué deux de ces chiens en défendant l’étendard… dis seulement que tu as frappé un bon coup pour notre cause, et va porter loin du camp ta vie et ta honte.

— Vous m’avez accusé de mensonge, sire, » reprit Kenneth avec fermeté, « et en cela du moins vous m’avez fait injure. Sachez donc qu’il n’y a eu d’autre sang répandu pour la défense de l’étendard