Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/17

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Pendant que le chevalier du Léopard continuait de fixer attentivement les yeux sur le groupe de palmiers encore éloigné, il lui sembla voir quelque chose se mouvoir entre eux et à côté d’eux. Bientôt cette forme lointaine se détacha des arbres qui avaient en partie caché ses mouvements, et s’avança rapidement vers le chevalier : bientôt celui-ci put distinguer un guerrier à cheval ; bientôt encore, à son turban, à sa longue lance et à son cafetan vert, il le reconnut pour un cavalier sarrasin. « Il n’est pas d’ami au désert, » dit un proverbe oriental ; cependant le croisé s’embarrassait fort peu que l’infidèle qui s’avançait à sa rencontre, sur son beau cheval barbe, comme porté sur les ailes d’un aigle, vint en ami ou en ennemi ; peut-être, en qualité de champion avoué de la croix, préférait-il ce dernier titre. Quoi qu’il en soit, il dégagea sa lance de sa selle, la saisit de la main droite, la mit en arrêt, la pointe à demi élevée, prit les rênes de la main gauche, et ranimant l’ardeur de son cheval, à l’aide des éperons, il se prépara à combattre l’étranger avec ce calme et cette confiance qui annoncent le guerrier accoutumé à vaincre.

Le Sarrasin s’avança au grand galop, à la manière des cavaliers arabes : il gouvernait son cheval plutôt à l’aide de ses membres et des inflexions de son corps que par l’usage de la bride qu’il tenait flottante dans sa main gauche : de la sorte, rien ne l’empêchait de se servir du léger bouclier rond, recouvert de peau de rhinocéros et orné de clous d’argent, qu’il portait au bras, et qu’il agitait, comme s’il eût voulu opposer son disque fragile aux formidables coups de la lance d’Occident. Il ne tenait pas sa longue javeline en arrêt, comme son antagoniste, mais il l’avait saisie de la main droite par le milieu de la hampe, et la brandissait au dessus de sa tête. En s’avançant au devant de son adversaire de toute la vitesse de son cheval, il semblait s’attendre à voir celui-ci mettre le sien au galop pour venir à sa rencontre ; mais le chevalier chrétien, bien au courant des coutumes des guerriers d’Orient, ne se souciait pas de fatiguer son bon cheval par un exercice inutile. Il fit, au contraire, une halte complète, sentant que s’il devait recevoir le choc de son ennemi, son propre poids et celui de son puissant coursier lui donneraient assez d’avantage sans y joindre la force additionnelle d’un mouvement rapide. Prévoyant et redoutant peut-être le même résultat, le cavalier sarrasin, lorsqu’il fut à deux portées de lance environ du chrétien, fit passer son cheval sur la gauche avec une dextérité inimitable, et tourna deux fois autour de son