Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/160

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— Pour l’amour de la bienheureuse croix, ma très royale dame, dit Édith (et ce fut avec des sentiments difficiles à peindre que sir Kenneth l’entendit se prosterner aux pieds de la reine), pour l’amour de Notre-Dame et de tous les bienheureux saints du paradis, prenez garde à ce que vous faites ! Vous ne connaissez pas le roi Richard… Il n’y a que peu de temps qu’il est votre époux… Votre souffle pourrait tout aussi bien lutter contre le vent d’ouest quand il donne avec plus de furie, que vos paroles persuader à mon royal parent de pardonner une faute contre la discipline… Oh ! pour l’amour du ciel ! renvoyez ce gentilhomme si vous l’avez attiré ici… Je me résignerais presque à supporter la honte de l’y avoir invité moi-même, si je le savais de retour où son devoir l’appelle.

— Levez-vous, cousine, dit la reine Bérengère, et soyez assurée que les choses iront mieux que vous ne pensez. De grâce, levez-vous, chère Édith !… Je suis fâchée de m’être ainsi divertie aux dépens d’un chevalier auquel vous prenez un si profond intérêt… Allons, ne tordez pas ainsi vos mains… Je croirai, si vous voulez, qu’il vous est indifférent. Je ne puis supporter de vous voir un air si affligé… Je vous répète que je prendrai tout le mal sur moi auprès du roi Richard, en plaidant pour votre ami, ou pour votre connaissance, puisque vous ne voulez pas l’avouer pour ami… De grâce, ne prenez pas cette expression de reproche… Nous chargerons Nectabanus de renvoyer à son poste ce chevalier de l’étendard… Il est caché, je suppose, dans quelque tente voisine.

— Par ma couronne de lis et mon sceptre d’un merveilleux éclat, dit Nectabanus, Votre Majesté se trompe… Il est plus près que vous ne pensez… Il se tient caché derrière cette tenture de coutil.

— Et à portée d’entendre chacune des paroles que nous avons dites ! » s’écria la reine frappée de surprise et violemment agitée à son tour… « Hors d’ici, monstre de folie et de méchanceté ! »

Comme elle prononçait ces mots, Nectabanus sortit du pavillon en poussant un hurlement qui était de nature à faire douter si Bérengère avait borné sa réprimande à des paroles, ou si elle y avait ajouté quelque témoignage plus énergique.

« Que faire maintenant ? » dit la reine à Édith, mais fort bas et d’un ton qui trahissait toute son inquiétude.

« Il n’y a qu’un parti à prendre, » répondit Édith avec fermeté ; « il faut voir ce gentilhomme et nous livrer à sa générosité. »

En parlant ainsi, elle tira rapidement un rideau qui couvrait une porte de communication.