Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/157

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ne le voudrait. » L’autre murmura quelque chose sur la prudence et la sagesse de lady Édith.

— De la prudence ! damoiselle, c’est de l’orgueil tout pur, et le désir de passer pour plus sévère qu’aucune de nous. Non, je ne veux pas renoncer à ce petit avantage ; vous le savez assez, lorsqu’elle nous trouve en faute, personne ne sait plus poliment nous en faire apercevoir. »

La personne qui en ce moment entra dans l’appartement, dessina sur la toile de séparation une ombre qui glissa lentement jusqu’à ce qu’elle se fût jointe à celles des dames. En dépit du cruel mécompte qu’il venait d’éprouver, et de l’insulte ou de l’injure qui lui était faite par la malice ou du moins la légèreté de la reine Bérengère (car il avait déjà conclu que celle qui parlait le plus haut et du ton le plus impérieux était la femme de Richard), le chevalier éprouva un bien grand adoucissement à sa peine en apprenant qu’Édith n’avait point participé à la ruse dont il venait d’être la dupe. D’ailleurs, sa curiosité se trouva vivement intéressée à entendre ce qui allait suivre. Poussé par ces deux motifs, au lieu d’exécuter le projet prudent de se retirer sans délai, il chercha, au contraire, quelque fente ou crevasse qui pût lui permettre d’être témoin, par ses yeux comme par ses oreilles, de la scène qui se passait dans l’appartement voisin.

« Assurément, se dit-il, la reine à qui il a plu, pour satisfaire un caprice, de mettre ma réputation et peut-être ma vie en danger, n’a pas le droit de se plaindre si je mets à profit la chance que le hasard m’offre en ce moment de connaître jusqu’au bout ses intentions. » Il semblait pendant ce temps qu’Édith attendait les ordres de la reine, et que cette dernière différait de lui parler parce qu’elle craignait de ne pouvoir commander à sa gaîté ni à celle de ses compagnes, car sir Kenneth ne pouvait distinguer qu’un murmure sourd tel que celui de chuchotements et de rires étouffés.

« Votre Majesté, dit enfin Édith, paraît de joyeuse humeur, quoiqu’il me semble que cette heure avancée soit plutôt celle du sommeil ; je me disposais à me coucher quand j’ai reçu l’ordre de Votre Majesté de me rendre auprès d’elle.

— Je ne vous retiendrai pas long-temps, cousine, dit la reine, je crains cependant que votre sommeil ne soit moins profond quand je vous aurai dit que votre gageure est perdue.

— Pardon, noble dame, répliqua Édith ; mais c’est revenir trop souvent sur une plaisanterie qui me semble un peu usée. Je n’ai fait