Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/153

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cieuse ; « qu’appelez-vous le temps ? Ce n’est qu’un nom sans substance, un espace vide pendant lequel on respire, et qui est mesuré la nuit par le son d’une cloche, le jour par une ombre qui se projette sur un cadran solaire. Ne sais-tu pas que le temps d’un vrai chevalier ne devrait se calculer que d’après les services qu’il rend à Dieu et à sa dame ?

— Ce sont des paroles de vérité, quoique sortant de la bouche d’un fou. Est-il vrai que ma dame me somme réellement d’accomplir quelque fait en son nom et pour l’amour d’elle ? Et ne peut-elle différer de quelques heures et jusqu’au point du jour seulement ?

— Elle requiert immédiatement ta présence, et sans perdre seulement le temps nécessaire à l’écoulement de dix grains de sable. Écoute, chevalier flegmatique et soupçonneux, voici ses propres paroles : « Dis-lui que la main qui jeta des roses peut aussi donner des lauriers. »

Cette allusion à leur rencontre dans la chapelle d’Engaddi rappela une foule de souvenirs à l’imagination de sir Kenneth, et le convainquit de la réalité du message du nain. Ces boutons de rose, tout flétris qu’ils fussent, il les portait sous sa cuirasse, ils reposaient sur son cœur, il réfléchit, et ne put se résoudre à abandonner une occasion, la seule qui peut-être se présenterait jamais, de se rendre agréable aux yeux de celle qui était la souveraine de ses affections. Le nain, pendant ce temps, augmentait son embarras en insistant pour qu’il rendît la bague ou le suivît à l’instant.

« Arrête ! arrête ! je t’en prie, un moment encore, » s’écria le chevalier, et il commença à se parler à lui même : « Suis-je le sujet ou l’esclave du roi Richard plus que tout autre chevalier qui soit dévoué au service de cette croisade ? Et qui suis-je venu servir ici de ma lance et de mon épée ? notre sainte cause et mon illustre dame !

— La bague ! la bague ! Indolent et déloyal chevalier, rends-moi cette bague que tu es indigne de toucher et de regarder.

— Un moment ! un moment ! bon Nectabanus, ne trouble pas mes pensées. Eh quoi ! si les Sarrasins attaquaient maintenant nos lignes, resterais-je ici comme un vassal de l’Angleterre, veillant à ce que son orgueil ne fût pas humilié, ou m’élancerais-je à la brèche, pour combattre en faveur de la croix ? Après les commandements de Dieu, viennent ceux de ma souveraine… Et cependant la recommandation de Cœur-de-Lion et mes propres engage-