Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/151

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— Cela suffira, reprit Nectabanus, pourvu que vous me suiviez tout de suite devant ceux qui m’ont envoyé vous chercher ici.

— Grand roi ! je ne puis vous satisfaire sur ce point, car mes ordres sont de rester auprès de cette bannière jusqu’au point du jour. Je vous prie donc de m’excuser aussi en cela. »

En parlant ainsi il se mit à marcher sur la plate-forme, mais il ne se débarrassa pas si facilement des importunités du nain.

« Écoute, » dit-il en se plaçant devant sir Kenneth comme pour lui barrer le chemin ; « obéis-moi, sire chevalier, comme ton devoir t’y oblige, ou je l’ordonnerai au nom de celle dont la beauté pourrait faire sortir les génies de leur sphère, et dont la grandeur est digne de commander à la race immortelle d’où ils sont descendus. »

Une conjecture invraisemblable vint se présenter à l’esprit du chevalier, mais il la repoussa. Il était impossible, pensa-t-il, que la dame de ses pensées lui eût envoyé un tel message par un tel messager. Cependant la voix lui trembla en répliquant. « Allons, Nectabanus, dis-moi tout d’un coup, en homme loyal, si cette sublime dame dont tu parles n’est pas cette même houri avec laquelle je t’ai vu balayer la chapelle d’Engaddi.

— Comment ! présomptueux chevalier, s’écria le nain, penses-tu que la maîtresse de nos affections royales, celle qui nous égale en beauté, et qui partage notre grandeur, puisse s’abaisser à un vassal comme toi ? Non, quelque honoré que tu sois, tu n’as pas encore mérité un regard de celle qui du haut de son trône regarde les princesses même comme des pygmées. Mais considère ceci, et, suivant que tu connaîtras ou méconnaîtras ce gage, obéis ou refuse-toi aux ordres de celle qui daigne t’appeler. »

En parlant ainsi, le nain plaça dans les mains du chevalier une magnifique bague de rubis ; celui-ci n’eut pas de peine à reconnaître cette bague pour celle qui ornait ordinairement la main de l’illustre dame au service de laquelle il s’était dévoué. S’il avait pu douter encore, il aurait été convaincu par le petit nœud de ruban incarnat qui était attaché à la bague. C’était la couleur favorite de sa dame, et plus d’une fois, en l’adoptant lui-même, il avait fait triompher l’incarnat en champ clos et dans les batailles.

Il resta muet d’étonnement en recevant un pareil gage ; et le nain s’écria d’un air de triomphe en poussant un éclat de rire bruyant et secouant sa grosse tête informe : « À présent refuse-toi à mes ordres… Ose maintenant me désobéir, et douter que je sois