Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/147

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mand s’éloigner, « un courage qui, semblable au ver luisant, ne brille que la nuit. Je ne laisserai pas cette bannière sans défense dans l’obscurité. De jour, le regard du lion suffira pour la protéger. Viens ici, Thomas de Gilsland ; je te confie cet étendard… veille sur l’honneur de l’Angleterre.

— Son salut m’est encore plus cher, répliqua de Vaux, et le salut de l’Angleterre tient à la vie de Richard… Il faut que je reconduise Votre Altesse à sa tente, et cela sans attendre un moment de plus…

— Tu es une garde-malade bien impérieuse et bien dure, » reprit le roi en souriant ; puis il ajouta, en s’adressant à sir Kenneth… « Vaillant Écossais… je te dois une récompense, et je veux m’en acquitter honorablement… Voici la bannière d’Angleterre ! garde-la avec le soin qu’un novice met a garder son armure la veille des armes… Ne t’en éloigne pas à trois portées de pique, et défends-la de ton corps contre toute insulte et tout affront. Sonne du cor si tu es assailli par plus de trois hommes à la fois… Te charges-tu d’en répondre ?

— Volontiers, répondit Kenneth, et je vais m’en acquitter au risque de ma tête… je vais prendre le reste de mes armes et je reviens à l’instant. »

Les rois de France et d’Angleterre prirent alors congé l’un de l’autre avec courtoisie, cachant sous des formes polies les motifs de ressentiment qu’ils avaient l’un contre l’autre : Richard, à cause de l’intervention trop officieuse de Philippe, et Philippe, à cause du peu de prix que Richard avait semblé attacher à sa médiation. Ceux que ces troubles avaient rassemblés se retirèrent alors de divers côtés, laissant le poste contesté dans la même solitude qu’avant cette bravade autrichienne. Chacun jugea des événements du jour suivant ses préjugés, et tandis que les Anglais reprochaient aux Autrichiens d’avoir commencé les premiers cette querelle, les autres nations se réunissaient pour en rejeter tout le blâme sur l’orgueil et la présomption du roi insulaire.

« Tu vois, » dit le marquis de Montferrat au grand-maître des templiers, « que des moyens d’adresse réussissent mieux que la violence. J’ai relâché les liens qui unissaient ensemble ce faisceau de sceptres et de lances… Tu les verras bientôt tomber et se séparer…

— J’aurais dit que ton plan était bon, répondit le templier, s’il se fût trouvé parmi ces flegmatiques Autrichiens un seul homme de courage qui eût coupé avec son épée la corde que tu n’as fait que