Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Frère de France, tu me connais et sais que je n’ai jamais beaucoup de paroles à perdre… Sache donc que je ne soumettrai jamais une affaire qui touche l’honneur de l’Angleterre à aucun prince, pape ni conseil. Voici ma bannière. Quel que soit le pennon qui en approche à la distance de trois fois sa longueur, fût-ce l’oriflamme elle-même dont vous parliez, je crois, tout-à-l’heure, il éprouvera le même sort que cette bannière renversée, et je n’en rendrai d’autre satisfaction que celle que ces cinq membres affaiblis peuvent offrir dans la lice à un hardi champion, à cinq même, si l’on veut.

— Par exemple ! dit le bouffon, voilà des paroles aussi folles que si elles sortaient de ma bouche… Cependant je crois que dans cette affaire il peut y avoir un plus grand fou que Richard.

— Et qui donc ? demanda l’homme sage.

— Philippe, répondit le bouffon, ou notre duc souverain lui-même, qui aurait dû accepter le défi… mais songe un peu, très sage spruch sprecher, quels excellents rois nous ferions toi et moi, puisque ceux sur la tête desquels ces couronnes sont tombées savent dire des sentences et des bouffonneries presque aussi bien que nous-mêmes. »

Tandis que ces dignes personnages exerçaient leur charge en a parte, Philippe répondait avec calme au défi presque outrageant de Richard… « Je ne suis pas venu ici pour éveiller de nouvelles querelles contraires au serment que nous avons fait et à la sainte cause dans laquelle nous nous sommes engagés. Je me sépare de mon frère d’Angleterre comme des frères doivent se séparer ; et la seule rivalité qu’il puisse y avoir entre le lion d’Angleterre et les lis de France, c’est à qui s’enfoncera le plus avant dans les rangs des infidèles.

— J’accepte le marché, mon royal frère, » dit Richard en lui tendant la main avec toute la franchise qui appartenait à ce naturel aussi noble qu’impétueux ; « et puissions-nous avoir bientôt l’occasion de décider ce généreux défi…

— Que le noble duc participe à la cordialité de cet heureux moment, » reprit Philippe ; et le duc s’approcha d’un air encore courroucé, mais qui laissait voir néanmoins qu’il ne se refuserait pas à un accommodement.

« Je ne m’occupe ni des sots ni de leurs sottises, » répondit Richard d’un air insouciant. Le duc d’Autriche se détourna et se retira à l’instant.

« Il a une espèce de courage, » dit Richard en regardant l’Alle-