Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/142

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tout ce qu’il put rassembler de fermeté : « C’est moi, Léopold d’Autriche !

— Eh bien ! Léopold d’Autriche, répondit Richard, va voir tout à l’heure le cas que moi, Richard d’Angleterre, je fais de sa bannière et de ses prétentions ! »

En parlant ainsi, il déracina l’étendard, brisa la lance en pièces, jeta le drapeau à terre et le foula aux pieds.

« C’est ainsi, dit-il, que je foule aux pieds la bannière d’Autriche !… Est-il un chevalier parmi votre ordre teutonique qui ose blâmer cette action ? »

Il y eut un moment de silence ; mais il n’y a pas d’hommes plus braves que les Allemands.

« Moi, moi, moi ! » s’écrièrent en même temps plusieurs chevaliers de la suite du duc, et lui-même joignit sa voix à ceux qui acceptaient le défi du roi d’Angleterre.

« Pourquoi différer ainsi ? » dit le comte Wallenrode, guerrier gigantesque des frontières de la Hongrie ; « frères et nobles gentilshommes, cet homme foule maintenant aux pieds l’honneur de notre pays, vengeons cette violation, et périsse l’orgueil de l’Angleterre ! »

En parlant ainsi, il tira son épée et porta au roi un coup qui aurait pu être fatal, si l’Écossais ne l’avait détourné et reçu sur son bouclier.

— J’ai juré, » dit alors le roi Richard, et sa voix se fit entendre au dessus du tumulte qui devenait de plus en plus bruyant et sinistre, « j’ai juré de ne jamais frapper un homme dont l’épaule porterait la croix ; vis donc, Wallenrode, mais vis pour te souvenir de Richard d’Angleterre. »

À ces mots, il saisit le gigantesque Hongrois par le milieu du corps, et n’ayant pas d’égal à la lutte non plus que dans tous les autres exercices militaires, il le précipita en arrière avec une telle violence, que cette masse énorme sembla lancée comme par une machine de guerre, non seulement loin du cercle des spectateurs de cette scène extraordinaire, mais au delà de la plate-forme du mont ; le corps de Wallenrode suivit le penchant rapide et fut arrêté par quelque obstacle qui lui fracassa l’épaule et près duquel il resta comme mort. Cette preuve extraordinaire de force n’encouragea pas le duc ni aucun de ses partisans à renouveler un combat commencé sous d’aussi funestes auspices. Ceux qui étaient le plus éloignés remuèrent bien leurs épées en s’écriant : « Mettez en pièces ce chien d’insulaire ! » Mais ceux qui étaient plus près déguisè-