Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/140

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mat leur avait enseigné le prix, se demandèrent précipitamment l’un à l’autre la cause de ce tumulte, et sans attendre de réponse, suppléèrent par leur imagination au manque d’éclaircissements. Quelques uns disaient que les Sarrasins étaient dans le camp ; d’autres, qu’on avait attenté à la vie du roi ; d’autres encore, qu’il était mort de la fièvre pendant la nuit précédente ; et un grand nombre, qu’il avait été assassiné par le duc d’Autriche. Les seigneurs et les officiers étaient aussi incertains que les simples soldats sur l’origine de tout ce désordre ; ils s’occupaient seulement à faire mettre leurs gens sous les armes, et à les tenir sous le joug de la discipline, de peur que leur témérité n’occasionnât quelque grand désastre dans l’armée des croisés. Les trompettes d’Angleterre ne cessaient de faire entendre des sons perçants et prolongés. Le cri d’alarme : « Bows and bills[1] ! bows and bills ! » retentissant de quartier en quartier, était répété par des guerriers prêts à combattre, qui y joignaient leur invocation nationale, « Saint-George et l’Angleterre ! »

L’alarme gagna les quartiers les plus voisins, et dans un lieu où tous les peuples de la chrétienté avaient peut-être leurs représentants, des hommes de toutes les nations volèrent aux armes et se réunirent au milieu d’une scène de confusion générale dont ils ne connaissaient ni le but ni l’origine. Il fut heureux cependant, dans un tumulte si redoutable, que le comte de Salisbury, tout en se hâtant de se rendre à l’appel de de Vaux, suivi de quelques hommes d’armes diligents, eût ordonné que l’armée fût rangée en bataille et restât sous les armes pour s’avancer au secours de Richard s’il en était besoin, mais en bon ordre et avec discipline, et non avec cette précipitation qui aurait pu résulter de l’alarme générale et du dévouement des soldats pour la sûreté du roi.

Pendant ce temps, sans prendre garde aux cris, aux acclamations, au tumulte qui s’élevaient autour de lui, Richard, à demi vêtu et tenant son épée nue sous le bras, poursuivait rapidement sa route vers le mont Saint-George, suivi seulement de de Vaux et de deux ou trois serviteurs.

Il devança même l’alarme que son impétuosité avait excitée, et passa devant le quartier de ses braves troupes de Normandie, de Poitou, de Gascogne et d’Anjou, avant que les troubles y fussent parvenus, quoique le bruit de l’orgie des Allemands eût fait lever beaucoup de soldats par curiosité. Le peu d’Écossais qui faisaient

  1. Littéralement : Arcs et massues. a. m.