Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/14

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dans les profondeurs de cette mer qui ne renferme en son sein aucun poisson vivant, ne porte aucun esquif à sa surface, et, comme si ses tristes eaux étaient indignes d’un autre réceptacle que leur propre lit, n’envoie pas même un tribut à l’Océan. Tout le pays environnant, comme aux jours de Moïse, « n’est que soufre et que sel ; il n’est point semé, il ne rapporte point : il n’y croît pas même un brin d’herbe[1]. » La terre, aussi bien que l’eau du lac, aurait pu s’appeler morte, car elle ne produisait rien qui ressemblât à aucune espèce de végétation ; l’air même était entièrement dépeuplé de ses habitants ailés : ils fuyaient probablement l’odeur du bitume et du soufre, que les rayons brûlants du soleil pompaient de la surface du lac et dont les vapeurs épaisses prenaient souvent l’aspect de trombes dévastatrices. Des masses d’une substance visqueuse et sulfurée, appelée naphte, nageaient à la surface de ces eaux dormantes et noirâtres, alimentaient ces nuages flottants de nouvelles vapeurs, et semblaient rendre un effrayant témoignage de la vérité de l’histoire de Moïse.

Le soleil brillait d’un éclat presque insupportable sur cette scène de désolation, et toute la nature animée semblait s’être dérobée à ses rayons, sauf le pèlerin isolé qui foulait lentement le sable mouvant du désert. Le costume du cavalier, et la manière dont son cheval était harnaché, étaient singulièrement mal adaptés au pays qu’il traversait. Une cotte de mailles à longues manches, des gantelets recouverts de lames d’acier et une cuirasse du même métal, n’avaient pas semblé d’un poids suffisant ; il avait de plus son bouclier triangulaire suspendu à son cou, et son casque d’acier à visière grillée était recouvert d’un capuchon de mailles attaché autour du cou, et remplissant le vide entre le haubert et le heaume. Ses membres inférieurs étaient enfermés comme son corps dans un tissu de mailles flexible qui garantissait ses jambes et ses cuisses, tandis que ses pieds étaient défendus par des chaussures recouvertes de lames d’acier semblables à celles des gantelets. Une longue et large épée à deux tranchants, dont la poignée formait une croix, avait pour pendant, de l’autre côté, un fort poignard. Le chevalier avait attaché à l’un des côtés de sa selle, et appuyé sur son étrier, sa longue lance à la pointe acérée, son arme favorite, qui, à chaque mouvement du cheval, se balançait en arrière, et dont le pennon flottait au gré de la brise légère ou retombait sur la hampe. À cet incommode accoutrement il fallait ajouter un sayon

  1. Expressions de la Bible. a. m.