Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/139

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ce tumulte ? Vraiment, seigneur Conrad, je vous ai toujours regardé comme un bon convive, et je m’étonne que vous ayez quitté la partie. »

En ce moment, de Vaux, qui s’était placé derrière le roi, s’efforça de faire comprendre au marquis, par ses regards et par ses gestes, qu’il ne fallait pas parler à Richard de ce qui se passait dans le camp ; mais Conrad ne comprit pas ou ne voulut pas comprendre cet avis.

« Personne ne peut attacher d’importance aux actions de l’archiduc, répondit-il, et lui peut-être moins que tout autre ; car il ne sait certainement pas ce qu’il fait. Cependant c’est une plaisanterie à laquelle je n’aurais pas voulu me mêler ; car il est occupé à enlever la bannière d’Angleterre du mont Saint-George, pour planter la sienne à cette place.

— Que dis-tu ? » s’écria le roi d’une voix qui aurait pu faire tressaillir les morts.

« De grâce, reprit le marquis, que Votre Altesse ne s’irrite pas de ce qu’il plaît à un fou de faire des folies.

— Ne me parlez pas, » dit Richard en s’élançant hors du lit et s’habillant avec une promptitude qui semblait merveilleuse, « ne me parlez pas, seigneur marquis… De Multon, je te défends de prononcer un mot ; celui qui prononcera une syllabe là-dessus n’est pas l’ami de Richard Plantagenet… Silence, Hakim ! je te l’ordonne. »

Cependant le roi s’habillait à la hâte, et, en achevant ces derniers mots, il arracha son épée suspendue à un des piliers de la tente, et sans autre arme, sans appeler personne, il s’élança hors du pavillon. Conrad, levant les mains au ciel d’étonnement, sembla vouloir entrer en conversation avec de Vaux ; mais sir Thomas passa brusquement près de lui, et appelant un des écuyers du roi, il dit à la hâte : « Volez au quartier de lord Salisbury, qu’il rassemble ses hommes et me suive immédiatement au mont Saint-George ; dites-lui que la fièvre du roi a quitté son sang et s’est établie dans le cerveau. » Ayant à peine entendu et encore moins compris dans sa première surprise les paroles que le lord Gilsland venait de lui adresser avec cette précipitation, l’écuyer et d’autres serviteurs de la chambre royale s’élancèrent dans les tentes les plus voisines ; et il se répandit bientôt parmi les troupes anglaises une alarme aussi générale que la cause en était vague. Les soldats éveillés en sursaut de ce sommeil méridien dont la chaleur du cli-