Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/138

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— Je ne vends pas la science dont Allah m’a doué, répondit le médecin arabe ; et sachez, grand prince, que la divine médecine que vous avez prise perdrait toute sa vertu dans mes indignes mains si je la donnais en échange contre de l’or et des diamants.

— Il refuse une récompense ! se dit Thomas de Vaux ; voilà qui est encore plus extraordinaire que son âge de cent ans.

— Thomas, répliqua Richard, tu ne connais de courage que celui qui appartient à l’épée, de vertus que celles qui se pratiquent parmi les chevaliers. Eh bien ! je te dis que ce Maure avec son esprit d’indépendance pourrait donner un exemple à ceux qui se regardent comme la fleur de la chevalerie.

— C’est une récompense assez grande pour moi, » dit le Maure en croisant ses bras sur sa poitrine et conservant une attitude noble et respectueuse à la fois, « qu’un aussi grand roi que Melek Ric daigne parler ainsi de son serviteur. Mais permettez que je vous prie maintenant de vous recoucher tranquillement ; car, bien que je regarde comme inutile d’avoir recours à une seconde dose de ce remède divin, vous pourriez vous exposer à une rechute en faisant un emploi prématuré de vos forces avant qu’elles soient entièrement rétablies.

— Il faut bien t’obéir, Hakim, répondit le roi ; cependant, crois-moi, je suis tellement affranchi de ce feu destructeur qui, pendant tant de jours, a dévoré mon corps, que je ne craindrais pas de l’exposer à la lance d’un brave… Mais silence ! que veulent dire ces cris et cette musique éloignée qui se fait entendre dans le camp ? Va et informe-toi de ce qui se passe, Thomas.

— C’est l’archiduc Léopold, » dit de Vaux en rentrant après une minute d’absence, « qui fait une procession dans le camp avec ses compagnons de bouteille.

— L’ivrogne ! s’écria le roi Richard, ne peut-il cacher sa grossière intempérance dans l’enceinte de son pavillon, sans venir étaler sa honte aux regards de toute la chrétienté ! Qu’en dites-vous ? sire marquis, » ajouta-t-il en s’adressant à Conrad de Montferrat qui venait d’entrer dans sa tente.

« Très honoré prince, répondit le marquis, je me réjouis de voir Votre Majesté rétablie à ce point ; et c’est, je pense, une assez longue phrase pour un homme qui sort de la table hospitalière du duc d’Autriche.

— Comment ! vous avez dîné avec cette outre d’Allemagne ? reprit le monarque ; et quelle boutade de sa part donne lieu à tout