Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/120

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Richard faire le grand saut dans les ténèbres… Mes nobles alliés, je vous salue comme les représentants de notre sainte ligue ; Richard reparaîtra parmi vous sous sa première forme, ou vous porterez au tombeau ce qui restera de lui… De Vaux, que ton prince vive ou qu’il meure, tu es assuré de sa reconnaissance… Il y a encore quelqu’un ici… mais cette fièvre a affaibli mes yeux… Quoi ! C’est notre brave Écossais, celui qui voudrait escalader les cieux sans échelle… Il est aussi le bienvenu… Allons, sir Hakim, à l’œuvre, à l’œuvre ! »

Le médecin, qui s’était déjà informé des divers symptômes de la maladie du roi, lui tâta le pouls long-temps, tandis que tous ceux qui l’entouraient attendaient avec une inquiète impatience. Le sage remplit ensuite une coupe d’eau limpide et y trempa le même petit sac de soie qu’il tira, comme la première fois, de son sein. Quand il lui parut que l’eau en était suffisamment saturée, il la présenta au souverain, qui repoussa la coupe en disant : « Attends un peu… tu m’as tâté le pouls… laisse-moi poser le doigt sur le tien… moi aussi, comme il convient à un bon chevalier, je sais quelque chose de ton art. »

L’Arabe abandonna sa main sans balancer, et ses doigts bruns et allongés furent un moment renfermés et presque entièrement cachés dans la large main de Richard.

« Son pouls est aussi calme que celui d’un enfant, dit le roi : ce n’est pas ainsi que bat celui de l’homme qui va empoisonner un prince. De Vaux, en cas de mort comme de guérison, je veux que ce Hakim soit honorablement renvoyé, et qu’on veille à sa sûreté… Rappelle-moi au souvenir du noble Saladin, l’ami : si je meurs, ce sera sans soupçon contre sa loyauté ; si je vis, je saurai le remercier comme un guerrier en remercie un autre. »

Alors il se leva sur son séant, et prit la coupe dans sa main, en disant au marquis et au grand-maître : « Faites bien attention à mes paroles, et que les souverains, mes confrères, me fassent raison avec une coupe de vin de Chypre… À la gloire immortelle du croisé qui frappera le premier coup de lance ou d’épée sur la porte de Jérusalem ! à la honte et à l’éternelle infamie de quiconque quittera la charrue sur laquelle il a mis la main ! »

Il vida la coupe jusqu’au bout, la rendit à l’Arabe, et retomba comme épuisé sur les coussins qui avaient été préparés pour le recevoir. Le médecin alors, par des signes silencieux mais expressifs, donna ordre que tout le monde quittât la tente, excepté de