Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/119

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d’oï, comme on l’appelait alors, « êtes-vous bien averti que nous sommes venus de la part des monarques et princes de la croisade pour faire nos représentations sur le danger qu’il y aurait à remettre une santé aussi précieuse que celle de votre maître Richard entre les mains d’un médecin infidèle ?

— Noble marquis, » répliqua brusquement l’Anglais, « je ne sais pas faire de longs discours, et prends peu de plaisir à en écouter. D’ailleurs je suis beaucoup plus disposé à croire à ce que mes yeux ont vu qu’à ce que mes oreilles ont entendu. Je suis convaincu que ce païen peut guérir la maladie du roi Richard, et j’aime à penser qu’il ne négligera rien pour cela. Le temps est précieux ; si Mahomet (que la malédiction de Dieu tombe sur lui !) était à la porte de la tente avec d’aussi bonnes intentions que cet Adonebec El Hakim, je regarderais comme un crime de le faire attendre une seule minute… Là-dessus, je vous souhaite le bonsoir, milord.

— Mais, dit Conrad de Montferrat, le roi lui-même a dit que nous serions présents au traitement de ce médecin. »

Le baron parla tout bas au chambellan, probablement pour savoir si le marquis disait la vérité ; puis il répondit : « Milords, si vous pouvez répondre de votre patience, vous êtes les maîtres d’entrer avec nous ; mais si vous interrompez par action ou par menace ce savant médecin dans son devoir, sachez que, sans respect pour votre haut rang, je vous ferai sortir de la tente de Richard : car, je vous le répète, je suis tellement convaincu de la vertu des remèdes de cet homme que, si Richard les refusait, par Notre-Dame de Lanercost ! je crois que je trouverais le courage de les lui faire prendre, bon gré, mal gré. Passez devant, El Hakim. »

Ces derniers mots furent dits dans la langue franque, et le médecin y obéit aussitôt. Le ton peu cérémonieux du vieux guerrier fit faire la grimace au grand-maître ; mais, jetant un regard sur le marquis, il fit un effort pour chasser les nuages amoncelés sur son front, et suivit de Vaux et l’Arabe dans la tente intérieure où Richard les attendait, dévoré de cette impatience avec laquelle le malade épie l’arrivée de son médecin. Sir Kenneth, qu’on n’avait invité ni à rester ni à sortir, se sentit autorisé par les circonstances à suivre ces grands dignitaires ; mais sentant l’infériorité de son importance et de son rang, il se tint à l’écart pendant la scène dont nous allons rendre compte.

Lorsqu’ils entrèrent dans l’appartement, Richard s’écria immédiatement : « Oh, oh ! voici une belle compagnie, venue pour voir