Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/118

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cette question au musulman : « Infidèle, auras-tu bien le courage d’exercer ton art sur la personne sacrée d’un souverain de l’armée chrétienne ?

— Le soleil d’Allah, répondit le sage, brille sur le nazaréen comme sur le vrai croyant, et son serviteur n’ose pas faire de distinction entre eux quand il est appelé à exercer l’art de guérir.

— Mécréant Hakim, dit le grand-maître, ou quel que soit le nom qu’on donne à un esclave des ténèbres sans baptême, sais-tu bien que tu seras déchiré par quatre chevaux indomptés si le roi Richard meurt entre tes mains ?

— Ce serait une sentence rigoureuse, répondit le médecin, car je ne puis me servir que de moyens humains, et le résultat en est écrit dans le livre de lumière.

— Considérez, je vous prie, brave et révérend grand-maître, dit le marquis de Montferrat, considérez que ce savant homme ne connaît pas notre police chrétienne, adoptée dans la crainte de Dieu pour le salut de l’oint du Seigneur. Apprenez-le donc, grave médecin dont nous ne mettons pas la science en doute : le plus sage parti que vous ayez à prendre est de vous présenter à l’illustre conseil de notre sainte ligue, et d’exposer aux sages et habiles docteurs qu’il lui plaira de désigner le procédé que vous devez employer pour la guérison de l’illustre malade ; de cette manière vous échapperez à tous les dangers que vous pourriez encourir en prenant témérairement sur vous seul la responsabilité d’un événement si grave.

— Messeigneurs, dit El Hakim, je crois vous entendre bien. Mais la science a ses champions comme l’art de la guerre ; et, aussi bien que la religion, elle a quelquefois ses martyrs. J’ai reçu ordre de mon souverain, le sultan Saladin, de guérir ce roi nazaréen ; et avec la bénédiction du Prophète, j’obéirai à cet ordre. Si j’échoue, vous portez des épées altérées du sang des fidèles, et je livre mon corps à leur tranchant. Mais je n’entrerai point en discussion avec les incirconcis sur la vertu des médecines dont j’ai obtenu la connaissance par la grâce du Prophète ; je vous prie de n’interposer aucun délai entre moi et mon office.

— Qui parle de délai ? dit le baron de Vaux, nous n’en avons déjà que trop souffert… Je vous salue, milord de Montferrat, et vous, vaillant grand-maître ; mais il faut que je passe tout de suite avec ce savant médecin auprès du lit de mon maître.

— Milord, » dit le marquis en normand-français, ou langue