Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui, résolu à calmer son impatience en se faisant donner par sir Kenneth l’explication détaillée de ce qui lui était arrivé durant son absence du camp et de sa rencontre avec le célèbre médecin.

Le chevalier écossais obéit à cet ordre ; il parut devant le roi comme un homme qui n’est pas inaccoutumé à la présence d’aussi grands personnages. Le roi d’Angleterre le connaissait à peine, même de vue ; bien que, jaloux de son rang, autant que secrètement dévoué à la dame qui était l’objet de son adoration, il ne se fût jamais absenté dans ces occasions où la munificence et l’hospitalité anglaises ouvraient la cour du souverain à tous ceux qui avaient un certain rang dans la chevalerie. Le roi considéra fort attentivement sir Kenneth, lorsque celui-ci s’approchant de la couche royale fléchit le genou, puis se releva et se tint devant lui, non dans une posture humble et soumise, mais dans l’attitude calme et respectueuse qui convient à un officier en présence de son souverain.

« Ton nom, dit le roi, est Kenneth du Léopard : de qui as-tu reçu l’ordre de la chevalerie ?

— Je l’ai reçu des mains de Guillaume-le-Lion, roi d’Écosse, répondit l’Écossais.

— Ce fer, dit le roi, est bien digne de conférer un tel honneur, et il n’a pas frappé une épaule indigne de le recevoir… Nous t’avons vu te comporter en bon et vaillant chevalier dans la mêlée au plus fort de l’action, et tu n’ignores pas que ton mérite nous était bien connu ; mais ta présomption sur d’autres points a été telle que la plus grande récompense que je puisse accorder à tes services, c’est de te pardonner une telle offense : que dis-tu à cela ? »

Kenneth essaya de parler, mais il n’était pas en état de s’exprimer distinctement. La conscience secrète de son ambitieux amour, et le regard de faucon avec lequel Cœur-de-Lion cherchait à pénétrer jusqu’au fond de son âme, contribuèrent à le déconcerter.

« Et cependant, ajouta le roi, quoique des soldats et des vassaux doivent obéir aux ordres de leurs supérieurs et les respecter, nous pourrions pardonner à un brave chevalier une plus grande offense que celle d’avoir un lévrier, quoique ce soit une contravention avec l’ordonnance précise que nous avons fait publier. »

Richard, en parlant ainsi, tenait ses regards attachés sur le visage de l’Écossais qui le regardait aussi : il ne put s’empêcher de sourire intérieurement, en voyant la physionomie du chevalier exprimer le soulagement produit par la tournure que le roi venait de donner à sa précédente accusation.