Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Il est parti pour une expédition lointaine, ami, répondit le prélat, chargé d’une honorable ambassade qui peut le retenir pendant quelques jours.

— Hé ! pourquoi, dit le baron de Gilsland, pourquoi tromper ce pauvre garçon ?… Ami, ton maître est revenu au camp, et tu le verras tout à l’heure. »

Le malade éleva ses mains décharnées vers le ciel comme pour lui rendre grâces ; et ne pouvant résister davantage à l’effet de l’élixir, il s’abandonna à un doux sommeil.

« Vous êtes meilleur médecin que moi, sir Thomas, dit le prélat ; il vaut mieux dire un mensonge flatteur dans la chambre d’un malade qu’une fâcheuse vérité.

— Que voulez-vous dire ? mon révérend lord, » demanda vivement de Vaux, « croyez-vous que je consentisse à proférer un mensonge pour sauver la vie d’une douzaine d’hommes comme lui ?

— Vous venez de dire, » reprit l’évêque avec des signes évidents d’alarme, « vous venez de dire que le maître de cet écuyer était revenu. Je veux parler du chevalier du Léopard.

— Et il est en effet revenu, répondit de Vaux. Je lui ai parlé il y a quelques heures. Il avait amené avec lui ce savant médecin.

— Bienheureuse Vierge ! et pourquoi ne m’avez-vous pas parlé de son retour ? » reprit le prélat fort troublé.

— Ne vous avais-je pas dit que ce chevalier du Léopard était arrivé avec le médecin ? Je croyais l’avoir fait, » répliqua de Vaux avec insouciance ; « mais qu’importe son retour à propos de la science du médecin et de la guérison de Sa Majesté ?

— Il importe fort, sir Thomas ; il importe fort, » répéta l’évêque en joignant ses mains avec force, frappant du pied et donnant des signes d’impatience qui semblaient lui échapper involontairement. « Mais où peut-il être allé maintenant, ce chevalier ? que Dieu soit avec nous ! il y a peut-être eu quelque fatale erreur ?

— Ce serf qui se tient là en dehors, » répondit le baron, non sans quelque étonnement de l’émotion de l’évêque, « pourra probablement nous dire où son maître est allé. »

Le jeune garçon fut appelé, et dans un langage qui parut presque incompréhensible aux deux croisés, il parvint à la fin à leur faire comprendre qu’un officier était venu chercher son maître quelques moments avant leur arrivée, pour le conduire à la tente royale. L’inquiétude de l’évêque parut s’augmenter au plus haut point, et devint visible même pour de Vaux, quoique le baron ne