Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/101

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rant d’un mal contagieux, quand j’entends au dehors les tambours battre, les trompettes sonner, et les chevaux frapper du pied. »

Le baron se hâta de partir, impatient de communiquer ses doutes à quelque ecclésiastique, car sa conscience s’alarmait un peu à l’idée de voir son maître soigné par un infidèle.

L’archevêque de Tyr fut le premier auquel il confia ses scrupules, sachant combien le roi Richard honorait et aimait ce sage prélat. L’évêque écouta le rapport du baron, avec cette vivacité d’intelligence qui distingue le clergé catholique et romain. Il traita les scrupules religieux du baron avec autant de légèreté que la bienséance lui permit d’en montrer à un laïque sur un semblable sujet.

« Les médecins, dit-il, sont souvent utiles, quoiqu’ils puissent être par leur naissance ou leurs mœurs les êtres les plus abjects de l’humanité. Ils ressemblent en cela aux remèdes qu’ils emploient, et qui n’en sont pas moins salutaires pour être quelquefois extraits des plus viles substances. Les chrétiens, ajouta-t-il, peuvent se servir au besoin des païens et des infidèles, et il y a lieu de croire qu’une des causes pour lesquelles il a été permis à ceux-ci de rester sur la terre, c’est pour qu’ils s’y rendent utiles aux vrais chrétiens ; c’est pourquoi nous faisons légitimement nos esclaves de nos prisonniers de guerre. Il n’y a aucun doute, » poursuivit encore le prélat, « que les chrétiens primitifs ne se servissent des idolâtres avant leur conversion. Ainsi, sur le vaisseau d’Alexandrie, à bord duquel le divin apôtre saint Paul passa en Italie, les matelots étaient probablement païens. Que dit pourtant le bienheureux saint lorsqu’on eut besoin de leur ministère : Nisi sic in navi manserint, vos salvi fieri non potestis. (À moins que ces hommes ne restent sur le vaisseau, vous ne pouvez être sauvés.) Enfin, les Juifs sont infidèles au christianisme aussi bien que les Mahométans, et cependant il y a peu de médecins dans le camp qui ne soient de cette nation, et on les emploie sans scandale et sans scrupule. Donc on peut dans ce but se servir de Mahométans à leur place dans cette capacité, quod erat demonstrandum[1]. »

Ce raisonnement dissipa entièrement les scrupules de Thomas de Vaux, et la citation latine surtout fit sur lui d’autant plus d’effet qu’il n’en pouvait comprendre un mot.

Mais l’évêque argumenta avec moins d’abondance quand il réfléchit à la possibilité que le Sarrasin agît de mauvaise foi ; et là-

  1. Ce qui restait à démontrer. a. m.