Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/100

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esclave que son maître a tué de travail, ni à notre propre gloire de souffrir qu’un si noble adversaire soit arraché à notre cimeterre par une obscure maladie… Puisse donc le saint…

— Assez, assez, s’écria Richard, je n’en veux plus lire davantage sur son damné de prophète ; je souffre à la seule pensée que le brave et vaillant Saladin puisse croire en cet imposteur, qui est mort comme un chien qu’il était. Oui, je verrai son médecin, je me mettrai entre les mains de ce Hakim… Je rendrai au sultan confiance pour confiance ; je me mesurerai avec lui sur un champ de bataille, comme il me le propose si dignement, et il n’aura pas lieu de regarder Richard comme un ingrat… Sous le poids de ma hache d’armes, je le courberai jusqu’à terre… Je le convertirai à notre sainte Église avec des coups tels qu’il n’en a jamais reçu : il rétractera ses erreurs devant la croix de mon épée, et je le baptiserai sur le champ de bataille même avec des eaux purifiantes puisées dans mon propre casque, dussent nos sangs confondus s’y trouver mêlés… Hâte-toi, de Multon ; pourquoi retarder un événement si désiré ? Va me chercher le Hakim.

— Milord, » dit le baron qui crut voir peut-être quelque redoublement de fièvre dans cet abandon de confiance… « songez-y… le soudan est un païen… et vous êtes son plus redoutable ennemi.

— C’est pourquoi il n’en est que plus obligé à me rendre ce service, de peur qu’une misérable fièvre ne vienne terminer cette lutte entre deux souverains tels que nous. Je te dis qu’il m’aime autant que je l’aime, autant que deux nobles adversaires se soient jamais aimés. Sur mon honneur, ce serait un crime que de douter de sa bonne foi.

— Néanmoins, milord, il conviendra d’attendre l’effet des médicaments du Hakim sur l’écuyer écossais, ma propre vie en dépend ; car je mériterais de mourir comme un chien si j’agissais imprudemment dans cette circonstance, et si je privais toute la chrétienté de celui sur qui repose toute son espérance.

— Je ne t’ai jamais vu hésiter par crainte de la mort, » dit Richard d’un ton de reproche.

« Et mon roi ne me verrait pas hésiter non plus maintenant, reprit le vaillant baron, s’il ne s’agissait que de ma vie et non de la sienne.

— Eh bien donc, soupçonneux mortel, pars et va toi-même examiner les progrès de ce remède. Je voudrais qu’il pût me tuer ou me guérir, car je suis fatigué de rester là comme un bœuf mou-