Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/94

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par ses ancêtres. Il semblait que cette conquête seule manquât à sa renommée, et qu’après avoir dompté ses ennemis intérieurs, il devait naturellement songer à reconquérir ces riches et précieuses provinces étrangères qui avaient été perdues durant le règne du faible Henri VI, et les discordes civiles si horriblement continuées par les guerres de la Rose blanche et de la Rose rouge. Il était universellement connu que, dans toute l’Angleterre en général, la perte des provinces françaises était regardée comme une dégradation nationale, non seulement par la noblesse qui par suite avait été privée des fiefs considérables qu’elle avait obtenus dans la Normandie, la Gascogne, le Maine et l’Anjou, mais encore par tous les hommes de guerre accoutumés à acquérir renommée et richesses aux dépens de la France. De plus ces archers redoutables, dont les flèches avaient décidé tant de batailles terribles, ne demandaient qu’à recommencer, comme leurs ancêtres, les combats de Crécy, de Poitiers et d’Azincourt, et à suivre leur souverain sur les champs de victoire que leurs hauts faits avaient immortalisés.

La nouvelle la plus récente et la plus authentique portait que le roi d’Angleterre était sur le point de passer en France en personne, invasion que rendait aisée sa possession de Calais, avec une armée supérieure en nombre et en discipline à toutes celles qui avaient été jamais conduites par un monarque anglais dans ce royaume ; que tous les préparatifs de guerre étaient achevés, et que l’arrivée d’Édouard devait être attendue d’un jour à l’autre, tandis que la puissante coopération du duc de Bourgogne, et l’assistance d’une foule de nobles français amis de l’Angleterre dans les provinces qui avaient si long-temps été soumises à la domination anglaise, annonçaient que l’issue de la lutte serait fatale à Louis XI, si rusé, si sage et si prudent que fût ce prince.

Sans aucun doute la meilleure politique de Charles de Bourgogne, lorsqu’il s’engageait ainsi dans une alliance contre son très formidable voisin, contre son ennemi héréditaire aussi bien que personnel, aurait été d’éviter toute cause de querelle avec la Confédération helvétique, nation pauvre mais très guerrière, qui avait déjà montré par d’innombrables succès que sa brave infanterie pouvait, en cas de besoin, lutter avec égalité, ou même avec avantage, contre la fleur de cette chevalerie qui avait été jusqu’alors considérée comme formant la force des armées européennes. Mais les mesures de Charles, que la fortune avait opposé au monarque le plus astucieux et le plus politique de son temps, étaient toujours