Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gné jusqu’à présent tant de bonté n’empêchera point cette jeune fille d’accepter un cadeau, qui du moins doit convenir au rang que lui assigne sa naissance ; et tous me jugeriez injustement si vous me croyiez capable d’être assez simple, assez présomptueux pour offrir un présent dont la valeur dépassât mes moyens. »

Le landamman prit l’écrin dans sa propre main.

« J’ai toujours fait la guerre, dit-il, à ces brillants joyaux qui nous entraînent chaque jour plus loin de la simplicité de nos parents… Et pourtant, » ajouta-t-il avec un sourire de bonne humeur, et approchant une des boucles d’oreilles de la figure de sa parente, « ces ornements vont si bien à cette pauvre enfant ! puis on prétend que les jeunes filles ressentent à porter ces babioles plus de plaisir que ne peuvent se l’imaginer les hommes à barbe grise. En conséquence, ma chère Anne, comme tu as mérité une entière confiance dans des affaires plus importantes, je m’en remets absolument à ta propre sagesse, pour accepter le riche présent de notre bon ami, et le porter, ou ne le porter pas, suivant que tu le croiras convenable. — Puisque tel est votre plaisir, mon excellent ami, mon cher oncle, » répondit la jeune fille en rougissant tandis qu’elle parlait, « je ne ferai pas de peine à notre estimable hôte en refusant un don qu’il souhaite si vivement que j’accepte ; mais avec sa permission, et la vôtre aussi, mon digne oncle, je suspendrai ces splendides boucles d’oreilles à la statue de Notre-Dame d’Ensiedlen, pour lui exprimer notre reconnaissance à tous de sa bienveillante protection qui nous a soutenus au milieu des horreurs de l’ouragan d’hier et des inquiétudes du duel de ce matin. — Par Notre-Dame ! la coquine parle sensément, répliqua le landamman : elle use avec sagesse de vos bontés, mon cher hôte, en obtenant par elles la faveur céleste pour votre famille et la mienne, aussi bien que pour la paix générale d’Unterwalden… Va, ma bonne Anne, tu auras un collier de jais à la première fête de la tonte, si nos toisons trouvent acheteurs au marché. »