Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/70

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sieur, répliqua l’hôte ; nous aurons d’ailleurs le temps de causer en route de choses qu’il vous importe de connaître. »

Le pas lent des deux vieillards les éloigna peu à peu des limites de la pelouse, où recommencèrent bientôt les cris, les rires, les acclamations. Le jeune Philipson, en faveur duquel son succès, comme archer, avait effacé tout souvenir de ses premiers échecs, essaya de nouveau à partager les amusements nobles du pays, et obtint une bonne part d’applaudissements. Les jeunes gens, qui d’abord avaient été si disposés à le tourner en ridicule, commencèrent alors à le considérer comme digne de leurs attentions et de leur respect, tandis que Rudolphe Donnerhugel voyait avec colère qu’il n’était plus sans rival dans l’opinion de ses mâles cousins, et peut-être aussi de la jolie cousine. Le fier jeune Suisse réfléchit avec douleur qu’il avait encouru le déplaisir du landamman, perdu de sa réputation aux yeux de ses camarades dont il avait été jusqu’alors le chef, et que même il s’était exposé à une humiliation plus mortifiante encore, le tout, comme son cœur gonflé le lui disait bien, à cause d’un étranger, d’un vagabond, sans naissance ni renommée, qui ne pouvait pas sauter d’un roc à un autre sans y être encouragé par une jeune fille.

L’esprit irrité de la sorte, il s’approcha du jeune Anglais, et tandis qu’il faisait semblant de causer avec lui des chances probables de chaque joueur pour une partie qui était commencée, il attaqua soudain, à voix basse, un sujet d’une nature bien différente. Frappant sur l’épaule d’Arthur avec la brusque franchise d’un montagnard : « Cette flèche d’Ernest, dit-il à haute voix, a sifflé dans l’air comme un faucon lorsqu’il glisse sous le vent ! » Puis il continua sur un ton plus bas : « Vous autres marchands, vous vendez des gants, sans doute… mais débitez-vous vos gantelets un à un seulement, ou par paire ? — Je ne vends jamais un gant seul, » répliqua Arthur le comprenant aussitôt, et passablement disposé à tirer une vengeance complète des regards dédaigneux que lui avait lancés le champion bernois durant le repas, et de son audace récente à imputer au hasard ou à la sorcellerie l’adresse qu’il avait déployée en tirant de l’arc… « Je ne vends pas de gant seul, mais je ne refuse jamais d’en échanger un. — Vous avez l’entendement vif, je vois, répondit Rudolphe ; mais regardez les joueurs pendant que je vous parle, sinon on soupçonnera notre dessein…. Vous avez l’intelligence, disais-je, plus prompte que je ne m’y attendais. Si nous échangeons nos gants, comment chacun de nous rachètera-t-il le