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et galonnée en argent, tandis que le reste du vêtement était écarlate. La ceinture était tissée de fils d’or, et au lieu de servir comme les ceintures ordinaires à serrer le surtout autour de la taille, elle soutenait un poignard à manche d’argent. Sa toilette était complétée par des bottes dont les bouts étaient si longs, qu’ils se terminaient par une pointe recourbée d’après la mode dominante du moyen âge. Une chaîne d’or lui pendait autour du cou, et soutenait un large médaillon du même métal.

Ce jeune élégant fut aussitôt environné par les enfants de Biederman, qui paraissaient le considérer comme un modèle que devait se proposer la jeunesse suisse, et dont il fallait chercher à prendre la tournure, les opinions, le costume et les manières, pour peu qu’on désirât suivre la mode du jour, sur laquelle il exerçait un empire certain et incontestable.

Il sembla néanmoins à Arthur Philipson que ce jeune homme était reçu par deux personnes de la compagnie avec des marques d’estime moins prononcées que celles qui lui furent décernées par la voix générale des jeunes gens présents. Arnold Biederman lui-même mit au moins de la froideur à souhaiter la bienvenue au jeune Bernois, car tel était le pays de Rudolphe. Le jeune homme tira de son sein un paquet cacheté qu’il remit au landamman avec des démonstrations d’un grand respect, et parut attendre qu’Arnold, lorsqu’il eut brisé le cachet et pris connaissance du contenu des dépêches, voulût bien lui dire quelque chose à ce sujet. Mais le patriarche l’invita seulement à s’asseoir et à prendre part à leur repas, et Rudolphe alla eu conséquence se mettre à côté d’Anne, place que lui céda tout de suite et poliment un des fils d’Arnold.

Il sembla aussi à l’œil observateur du jeune Anglais que le nouveau venu était accueilli avec une froideur marquée par la jeune fille, à laquelle il parut jaloux d’offrir ses compliments ; qu’après être parvenu à s’asseoir auprès d’elle il paraissait plus empressé de lui rendre des hommages que faire honneur aux mets dont la table était abondamment servie et qu’on lui avait successivement offerts. Il remarqua le jeune Bernois parlant bas à Anne, puis le regardant lui-même. Anne fit une réponse très brève ; mais un des jeunes Biederman, qui était assis de l’autre côté, fut probablement plus communicatif, puisque tous deux se mirent à rire, et que la jeune fille parut encore déconcertée, et rougit de mécontentement.

« Si je tenais un de ces fils de montagnes, pensa le jeune Philipson, sur une pelouse unie, seulement large de six toises, en sup-