Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les sommets de ces innombrables montagnes sur lesquelles repose une neige éternelle.

Le spectacle que nous avons mis quelque temps à décrire n’occupa guère le jeune Philipson qu’une ou deux minutes ; car, sur une pelouse inclinée qui s’étendait devant la ferme, comme le bâtiment doit être proprement appelé, il aperçut cinq ou six personnes, et dans l’une d’elles, qui s’avançait plus que les autres, il put à sa démarche, à sa tournure, et à la forme de son chapeau, distinguer aisément son père qu’il avait cru ne plus revoir.

Il suivit donc sa conductrice d’un pas joyeux, tandis qu’elle descendait la pente rapide au faîte de laquelle était située la tour en ruines. Ils approchèrent du groupe qu’Arthur avait remarqué, et dont la première personne était bien son père, qui se hâta d’accourir à sa rencontre, accompagné d’un autre individu d’un âge avancé, d’une stature presque gigantesque, et qui, par son air simple, mais majestueux, semblait le digne compatriote de Guillaume Tell, de Staufbacher, de Winkelried, et de tant d’autres Suisses illustres, dont les cœurs courageux et le bras infatigable avaient, dans le siècle précédent, défendu contre des ennemis innombrables leur liberté personnelle et l’indépendance de leur pays.

Avec une courtoisie naturelle, comme pour épargner au père et au fils le désagrément de témoins si nombreux d’une entrevue qui ne devait pas se passer sans émotion, le landamman lui-même, en s’avançant avec le vieux Philipson, fit signe aux gens qui l’accompagnaient, et qui étaient jeunes presque tous, de rester à l’écart : ils y restèrent en effet, interrogeant, à ce qu’il parut, le guide Antonio sur les aventures des étrangers. Anne, conductrice d’Arthur Philipson, n’eut que le temps de lui dire : « Ce vieillard est mon oncle Arnold Biederman, et ces jeunes gens sont mes cousins. » Avant que le premier et le plus âgé des deux voyageurs se trouvassent près d’eux, le landamman, avec le même sentiment des convenances qu’il avait déjà montré, fit signe à sa nièce de se retirer un peu ; et cependant, tandis qu’il la questionnait sur son expédition du matin, il examina lui-même l’entrevue du père et du fils avec autant de curiosité que sa délicatesse lui permettait d’en laisser voir. Elle fut toute différente de ce qu’il avait attendu.

Nous avons déjà représenté le vieux Philipson comme un père dévoué corps et âme à son fils, prêt à se précipiter au devant de la mort, quand il avait cru le perdre, et pareillement ivre de joie, sans doute, lorsqu’il le revoyait rendu à sa tendresse. On aurait