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sortirent par la grande porte du château, pour entrer dans un de ces lieux où la nature entasse souvent ses plus riches trésors au milieu des contrées qui portent un cachet de stérilité et de désolation.

Le château s’élevait aussi de ce côté à une hauteur considérable au dessus des terrains environnants ; mais l’élévation du site qui, vers le torrent, était un roc à pic, formait, dans cette direction, une pente rapide à laquelle on avait donné la forme d’un glacis moderne pour rendre le bâtiment plus sûr. Elle était alors couverte de jeunes arbres et de broussailles, au milieu desquelles la tour elle-même paraissait s’élever dans une majesté sauvage. Au delà de ce taillis escarpé, la vue était d’un caractère tout différent : une pièce de terre, large de plus de cent acres, semblait creusée dans les rocs et les montagnes qui, conservant l’air agreste du sentier où s’étaient égarés nos voyageurs le matin même, renfermaient, et, pour ainsi dire, défendaient un espace limité d’un caractère doux et fertile. La surface de ce petit domaine était extrêmement variée, mais son aspect général était une pente douce se dirigeant vers le sud-est.

Le principal objet qui se présentait à la vue était une vaste maison construite en grosses pièces de bois, sans aucune prétention à la régularité ni à la symétrie, mais indiquant par la fumée qui s’en élevait, aussi bien que par l’étendue des bâtiments voisins, et par la culture plus soignée des champs d’alentour, que c’était la demeure, non sans doute de la richesse, mais de l’aisance et de la commodité. Un enclos planté de beaux arbres à fruits s’étendait vers le sud de la maison : des bouquets de noyers et de châtaigniers s’élançaient majestueusement vers le ciel, et même trois ou quatre acres de terre plantés en vignes montraient que la culture du raisin était connue et pratiquée. Elle est maintenant universelle en Suisse ; mais, dans ces temps reculés, elle était presque exclusivement réservée à quelques propriétaires plus riches que les autres, qui possédaient le rare avantage d’unir l’intelligence à la fortune, ou du moins à une plus grande aisance.

On apercevait aussi de longs et beaux pâturages dans lesquels les superbes troupeaux qui font l’orgueil et la richesse des montagnards suisses avaient été déjà ramenés des prairies situées plus avant dans les Alpes, où ils paissaient durant l’été, pour qu’ils trouvassent plus aisément abri et protection dès qu’on aurait à craindre les orages de l’automne. Dans certains clos réservés, les