Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/49

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quoiqu’on pût encore entendre son horrible fracas, qui parut augmenter tandis qu’ils gravissaient une montée parallèle à son cours, jusqu’à ce que la route, tournant tout-à-coup, et conduisant en ligne directe au vieux château, les mit à même de contempler une des scènes les plus magnifiques et les plus effrayantes de cette région montagneuse.

La tour ancienne de Geierstein, quoiqu’elle ne fût ni colossale ni remarquable par des ornements d’architecture, avait un air de dignité terrible par sa position sur le bord même de la rive opposée du torrent, qui, précisément à l’angle où s’élèvent les ruines du château, forme une cascade blanchissante d’environ cent pieds de hauteur, puis passe le défilé en se précipitant à travers un canal que ces ondes creusent dans le roc vif depuis que le temps lui-même a commencé. En face, et même dominant ces eaux dont le mugissement est éternel, apparaissait la vieille tour, bâtie tellement près du précipice que les arcs-boutants par lesquels l’architecte avait consolidé les fondements, semblaient une partie du roc même, et une continuation de coupe perpendiculaire.

Comme il était ordinaire en Europe dans les temps féodaux, la partie principale du bâtiment consistait en un édifice carré et massif, dont le faîte dégradé était rendu pittoresque par les tours dont il était flanqué, tours de formes et de hauteurs différentes, les unes rondes, les autres angulaires, celles-ci en ruines, celles-là passablement bien conservées, toutes diversifiant l’aspect du bâtiment qui se détachait sur un ciel orageux.

Une porte en saillie, à laquelle on arrivait par une longue suite d’escaliers descendant de la tour, avait jadis donné accès à un pont qui faisait communiquer le château avec la rive du torrent où se trouvait alors Arthur Philipson et son aimable guide. Une seule arche, ou plutôt un pilier d’arche formé de plusieurs pierres détachées restait encore, et fendait la rivière absolument en face de la chute d’eau. Autrefois cette arche avait servi de soutien à un pont-levis en bois, d’une largeur plus commode, mais si long et si lourd, qu’il eût été impossible de le faire mouvoir, s’il n’avait été appuyé sur quelque point solide. Il est vrai que cet avantage présentait cet inconvénient, que, même quand le pont était levé, on pouvait encore approcher de la porte du château au moyen de cette étroite pile de pierres ; mais comme elle n’avait pas plus de dix-huit pouces de large environ, et que le pied téméraire qui l’aurait traversée n’aurait pu après tout que parvenir à une entrée ré-