Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/482

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rés fidèles. Il ne serait ni prudent ni sûr pour nous de rester dans un pays où elle est souveraine. — En ce cas, mon plan va réussir à souhait. Vous reviendrez à Geierstein, et vous habiterez avec nous. Votre père sera un frère pour le mien, et un meilleur que mon oncle Albert qu’il ne voyait pas, et avec qui il ne causait que rarement, tandis qu’avec votre père il conversera du matin au soir, et nous laissera tout l’ouvrage de la ferme ; et vous, Arthur, vous viendrez avec nous ; vous serez un frère pour nous tous, en place du pauvre Rudiger, qui était certainement mon véritable frère, ce que vous ne serez jamais ; cependant je n’ai jamais pu l’aimer autant que je vous aime, attendu qu’il n’était pas d’un si bon caractère. Et puis, Anne… ma cousine Anne… est tout-à-fait confiée aux soins de mon père… Elle est maintenant à Geierstein… et vous savez, roi Arthur, nous avions coutume de l’appeler reine Geneviève. — Vous disiez alors une grande folie. — Mais c’est une grande vérité… car, voyez-vous, j’aimais à conter à ma cousine Anne nos histoires de chasse et nos autres prouesses ; mais jamais elle ne voulait entendre un mot avant que je lui parlasse un peu du roi Arthur, et alors je réponds qu’elle se serait tenue aussi tranquille qu’une poule de bruyère quand l’épervier plane dans les cieux ; et maintenant que Donnerhugel est tué, vous savez que vous pouvez épouser Anne quand vous voudrez, vous et elle, car personne n’a intérêt de vous en empêcher. »

Arthur rougit de plaisir sous son casque, et oublia presque tous les malheurs compliqués du matin de ce premier jour de l’an.

« Vous oubliez, » répliqua-t-il à Sigismond du ton le plus indifférent qu’il put prendre, « que la mort de Rudolphe peut faire naître dans votre pays des préventions contre moi. — Pas du tout, pas du tout ; nous ne gardons pas rancune de ce qui a été loyalement fait sous le bouclier. Ce n’est pas plus que si vous l’aviez vaincu à la lutte ou au palet… Seulement c’est un jeu auquel on ne peut recommencer la partie. »

Ils entrèrent alors dans la ville de Nanci, les fenêtres étaient ornées de tapisseries, et les rues encombrées d’une foule tumultueuse, ivre de joie, que le succès de la bataille avait délivrée de toute crainte relativement à la formidable résistance de Charles de Bourgogne.

Les prisonniers furent reçus avec la plus grande bienveillance par le landamman, qui les assura de sa protection et de son amitié.