Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/454

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plie ; « depuis la bataille de Granson, il n’a plus montré, selon moi, le même jugement qu’auparavant. Mais alors il était capricieux, déraisonnable, volontaire, inconséquent, et se fâchait toujours lorsqu’on lui donnait un conseil, comme si on avait voulu l’insulter ; il était jaloux de la moindre violation du cérémonial, comme si ses sujets avaient l’intention de le traiter avec mépris. Maintenant il est totalement changé, comme si ce second coup l’avait étourdi, et avait étouffé les passions violentes que le premier avait allumées en lui. Il est aussi taciturne qu’un chartreux, aussi solitaire qu’un ermite, ne prend intérêt à rien, et moins encore au commandement de son armée. Il était, vous savez, soigneux de son costume, à tel point qu’il mettait une espèce d’affectation même dans la grossièreté qu’il déployait à cet égard ; mais malheur à moi ! vous allez voir un fameux changement ! Il ne veut pas souffrir qu’on lui arrange les cheveux, qu’on lui taille les ongles ; peu lui importe qu’on le respecte ou qu’on l’insulte ; il ne prend que peu ou point de nourriture, boit les vins les plus forts qui, cependant ne paraissent pas troubler sa raison ; il ne veut plus entendre parler de guerre ni d’affaire d’état, de chasse ni d’aucun autre exercice. Supposez un anachorète sortant de sa cellule pour gouverner un royaume, et vous verrez en lui, à la dévotion près, une image du fougueux et fier Charles de Bourgogne. — Vous parlez d’une âme profondément blessée, sir d’Argenton, répliqua l’Anglais ; trouvez-vous convenable que je me présente devant le duc ? — Je vais le savoir, » dit Contay ; et quittant l’appartement, il revint aussitôt et fit signe au comte de le suivre.

À l’extrémité d’un cabinet, l’infortuné Charles était couché dans un large fauteuil, les jambes négligemment étendues sur un tabouret, mais si changé, que le comte d’Oxford aurait pu croire qu’il ne voyait que le spectre de ce duc jadis si orgueilleux. À la vérité, la longueur de ses cheveux en désordre qui tombaient de sa tête et se mêlaient à sa barbe ; la profondeur des trous au fond desquels roulaient ses yeux hagards, le rétrécissement de sa poitrine et la saillie que formaient ses épaules, lui donnaient l’air d’un homme qui a souffert cette agonie finale qui anéantit tous les signes de vie et de force. Son costume même, et c’était un manteau négligemment jeté autour de lui, augmentait sa ressemblance avec un fantôme voilé. De Contay nomma le comte d’Oxford ; mais le duc le regarda avec des yeux sans éclat, et ne répondit rien.

« Parlez-lui, brave Oxford, » dit à voix basse le Bourguignon ;