Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/446

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

garder une frontière bien défendue, ou, ce qui eût été plus politique encore, à conclure la paix à de justes conditions avec ses redoutables voisins, le plus obstiné de tous les princes revint à son projet de pénétrer au milieu des Alpes, et de châtier les montagnards jusque dans leurs redoutes naturelles. Ainsi les nouvelles reçues par Oxford et son fils, quand ils revinrent à Aix vers l’été, étaient que le duc Charles s’était avancé jusqu’à Morat ou Murten, situé sur le lac du même nom, à l’entrée même de la Suisse. En cet endroit, disait-on, Adrien de Babengerg, chevalier vétéran de Berne commandait et se défendait avec la plus grande opiniâtreté, en attendant le secours que ses compatriotes se hâtaient de rassembler.

« Hélas ! malheur à mon vieux frère d’armes ! » dit le comte à son fils eu apprenant ces nouvelles ; « cette ville assiégée, ces assauts repoussés, ce voisinage d’une contrée ennemie, le lac profond, ces rochers inaccessibles, présagent une répétition de la tragédie de Granson, plus calamiteuse encore que la première. »

Dans la dernière semaine de juin, la capitale de la Provence fut agitée par ces bruits sans fondement, mais généralement reçus, qui transmettent de grands événements avec une incroyable rapidité, de même qu’une pomme jetée de main en main par un grand nombre de personnes parcourt un espace donné infiniment plus vite que si elle est portée successivement par les courriers les plus rapides. La renommée annonçait une seconde défaite du duc de Bourgogne en termes si exagérés, que le comte d’Oxford se persuada que la nouvelle était fausse, sinon complètement, du moins en grande partie.

CHAPITRE XXXIV.

NOUVELLE DÉFAITE.

L’ennemi est-il donc venu ? a-t-il donc remporté la victoire ? Le champ de bataille a dû être bien arrosé de sang avant que Derwent prit la fuite.
Le Berger d’Ettrick.

Le sommeil ne ferma point les yeux du comte d’Oxford ni de son fils ; car, quoique le succès ou la défaite du duc de Bourgogne ne fût alors d’aucune importance pour leurs affaires privées ou politiques, cependant le père ne cessait de s’intéresser au sort de son ancien compagnon d’armes, et le fils, dans le feu de la jeunesse,