Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/440

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excessive bonhomie, et s’amusèrent à ses dépens par d’ironiques compliments et des railleries déguisées.

Arthur avait jusqu’alors évité de porter ses regards vers la reine Marguerite, de peur qu’il ne détournât ses pensées du cours qu’elles suivaient, en paraissant réclamer sa protection. Mais il y avait quelque chose de si burlesque dans la physionomie gauche du maladroit Suisse, et dans la douleur et la mortification de la pauvre Provençale, qu’il ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil vers l’alcôve où était placé le fauteuil d’apparat de la reine, pour voir si elle avait remarqué cette mésaventure. Le spectacle qui le frappa la première vue était de nature à attirer toute son attention : la tête de Marguerite était appuyée sur le dos du fauteuil, ses yeux à peine ouverts, ses traits pâles et tirés, ses mains serrées avec effort. La dame d’honneur anglaise qui se tenait derrière elle… vieille, sourde et presque aveugle… n’avait rien découvert dans la position de sa maîtresse, que l’attitude distraite et indifférente avec laquelle la reine avait coutume d’être présente de corps et absente d’esprit, durant les fêtes de la cour provençale. Mais quand Arthur, grandement alarmé, s’approcha derrière pour l’inviter à faire attention à sa maîtresse, elle s’écria, après une minute d’examen : « Mère de Dieu ! la reine est morte ! » Elle l’était. Il semblait que la dernière fibre de vie dans cette âme fière et ambitieuse s’était brisée, comme elle l’avait prévu elle-même, en même temps que le dernier fil de ses espérances politiques.

CHAPITRE XXXIII.

LE CONVOI.

Sonnons, sonnons la cloche ! la grandeur s’est enfuie, le cœur s’est brisé pour ne plus souffrir ; tout est une vaine pompe… Laissons sur cette scène tomber le voile funèbre.
Ancien poème.

la commotion, les cris de frayeur et de surprise qui furent excités chez les dames de la cour par un événement si singulier et si horrible commençaient à se calmer, et les soupirs plus sérieux quoique moins importuns du petit nombre d’Anglais composant la suite de la défunte reine se firent alors entendre, ainsi que les gémissements du vieux roi René, dont les émotions étaient aussi vives que passagères. Les médecins avaient tenu une savante, mais inutile consultation : le corps, qui avait été un corps de reine, fut remis