Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/42

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mage de son auteur inspire à toutes les créatures inférieures ?

Des appréhensions si pénibles servirent plus que toutes les tentatives du raisonnement à rétablir un peu l’élasticité d’esprit du jeune homme. En agitant son mouchoir, quoiqu’il usât de la plus grande précaution dans ses mouvements, il réussit à éloigner le vautour de son voisinage. L’oiseau quitta son lieu de repos en poussant des cris rauques et craintifs, et soutenu dans les airs par ses ailes immenses, il alla chercher un endroit où il pût trouver plus de tranquillité, tandis que le téméraire voyageur ressentait un vif plaisir en se voyant délivré de sa hideuse présence.

Après être parvenu à recueillir ses idées, le jeune homme qui pouvait, par sa position, voir en partie la plate-forme d’où il était descendu, s’efforça de faire connaître à son père qu’il était sauvé, en déployant, aussi haut que possible, la bannière par laquelle il avait chassé le vautour. Comme eux, il avait entendu, mais à une distance moindre, le son du grand cornet suisse, qui semblait annoncer qu’il arrivait du secours. Il y répliqua en levant et en agitant son mouchoir pour diriger l’assistance qu’on apportait vers le lieu où elle était si nécessaire ; et, rappelant à lui toutes ses facultés qui l’avaient presque abandonné, il travailla mentalement à recouvrer l’espérance, et avec l’espérance, la force et les moyens de faire de nouveaux efforts.

Fidèle catholique, il se recommanda, par de ferventes prières, à Notre-Dame d’Ensiedlen, et, faisant des vœux magnifiques pour se la rendre propice, il lui demanda son intercession pour être délivré de sa terrible position. « Ou bien, gracieuse Dame, » dit-il en terminant son oraison, « si je suis destiné à perdre la vie comme un renard chassé par les chiens, au milieu de ce pays sauvage et désert, parmi ces rochers vacillants, rendez-moi au moins ma part de patience et de courage naturels, et ne me laissez pas, moi qui ai vécu en homme, quoique pécheur, mourir comme un lièvre timide ! »

Après s’être dévotement recommandé à cette protectrice dont les légendes de l’Église catholique font une peinture si aimable, Arthur, quoique chacun de ses membres tremblât encore d’émotion et que son cœur battît avec une violence qui menaçait de le suffoquer, tourna ses pensées et son attention vers les moyens d’effectuer sa délivrance. Mais tandis qu’il promenait ses regards autour de lui, il sentit de plus en plus combien il était énervé par les souffrances corporelles et l’agonie mentale qu’il avait supportées durant le péril qu’il venait de courir. Il ne put, malgré tous