Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/407

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En prononçant ces mots, elle tomba comme épuisée de fatigue sur un banc de pierre placé au bord même du balcon, sans s’inquiéter de l’orage qui commençait alors à gronder avec de terribles bouffées de vent, dont la course était interrompue et changée par les rocs autour desquels ils mugissaient. On aurait dit que Borée, Eurus et Caurus déchaînaient les vents de toutes les parties du ciel, et luttaient à qui serait vainqueur autour du couvent de Notre-Dame-de-Victoire. Au milieu de ce tumulte, à travers l’épaisseur du brouillard qui cachait le fond du précipice, et les masses de nuages qui roulaient d’une manière terrible au dessus de leurs têtes, le mugissement de l’eau qui tombait ressemblait plutôt à la chute d’une cataracte qu’au bruit ordinaire d’un torrent de pluie. Le siège sur lequel Marguerite était placée était en grande partie abrité contre la tempête, mais les bouffées de vent, qui changeait sans cesse de direction, agitaient souvent sa chevelure en désordre, et nous ne pouvons décrire l’aspect de ses traits nobles et beaux, mais sombres et défaits, fortement agités par une hésitation inquiète et par des pensées contraires, si ce n’est pour ceux de nos lecteurs qui ont eu l’avantage de voir notre inimitable Siddons dans un rôle où la situation est la même. Arthur, confondu d’inquiétude et de terreur, ne put que prier Sa Majesté de rentrer dans l’intérieur du couvent, et de ne pas s’exposer aux injures de l’orage qui approchait.

« Non, » répliqua-t-elle avec fermeté, « les toits et les murs ont des oreilles ; et les moines, quoiqu’ils aient dit adieu au monde, n’en sont pas moins curieux de savoir ce qui se passe au delà de leurs cellules. C’est en cet endroit-ci que vous devez entendre ce que j’ai à vous dire : comme soldat, vous pouvez bien mépriser une bouffée de vent ou des gouttes de pluie ; et quant à moi, qui ai souvent tenu conseil au son de la trompette et au cliquetis des armes prêtes à se croiser, la guerre des éléments n’est qu’une bagatelle indigne d’attention. Je te le dis, jeune Arthur de Vere, comme je le dirais à ton père… comme je le dirais à mon fils… si, en effet, le ciel eût laissé une pareille consolation à une malheureuse abandonnée… »

Elle s’interrompit, et continua ensuite.

« Je te le dis ainsi que je l’aurais dit à mon bien-aimé Édouard, que Marguerite, dont les résolutions étaient jadis fermes et inébranlables comme ces rochers qui nous entourent, est maintenant irrésolue et incertaine comme les nuages qui sont chassés au dessus de